Chapitre 13 : Voies.

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A quelques mètres de là, ma moto est couchée à terre. Je la reprends. Elle est cabossée, mais je n'ai pas le temps de trouver un autre véhicule. Je repasse chercher mes vêtements dans le sanctuaire où se trouve la carte d'Isaac. Le temps de faire le plein de la moto, je file vers l'Ouest. Rapidement je prononce les quelques mots qui vont me faire aller plus vite. Je vais quitter les routes humaines pour tracer à travers des chemins moins fréquentés et plus dangereux qui vont me mener jusqu'à la clairière.

Ce n'est plus du bitume que mes roues arpentent. Je roule sur un chemin bétonné. Un chemin assez large, une bande grise fendant des champs à perte de vue. La route devient de moins en moins bien entretenue. Puis, elle s'arrête face à un pont de pierre enjambant un précipice. Face à ce pont, la silhouette d'une créature à l'aspect massif. Les odeurs qui me parviennent me font déchanter. Les odeurs putrides de charnier me parviennent au nez. Je ralentis et m'approche avec circonspection.

- Qui es-tu ?

Une voix rauque et grave s'échappe du corps en décomposition en face de moi. Des lambeaux de vêtements disparates ainsi que des morceaux de métal rouillé composent l'habillement de ce qui fut un homme à la taille exceptionnellement grande. Il tient à la main une claymore de taille impressionnante.

J'arrête mon véhicule, je décline mon identité et je lui demande :

- Et toi, qui es-tu ?

- Je suis O'Agir, le gardien de ce pont. Je garde l'entrée du domaine de mon maître.

- Que te faut-il pour m'accorder le droit de passer par ces terres ?

- Pourquoi passes-tu ici, me demande-t-il ?

- Je dois me hâter en un lieu de vie où une source va être pervertie.

- Mon maître ne te laissera pas passer sans en avoir la preuve, sans avoir un gage.

- Il existe une source près du chemin menant à Tirnaban.

- Oui, elle est cachée et enfouie. Comment peut-elle être pervertie ?

Je vais devoir donner des informations pour payer mon passage.

- Des rédempteurs sont en route, dis-je.

- Qui est l'Ober, demande-t-il ?

Cette question est floue pour moi. Son maître sait des choses concernant les Rédempteurs et leur organisation. Que cherche-t-il donc à savoir par cette question ? Je préfère répondre. Si cela lui donne une information, et que je n'ai rien en retour, et bien cela le rendra implicitement redevable de quelque chose.

- Orba.

Le visage du mort-vivant se tord de douleur, comme s'il refusait quelque chose. Finalement, une voix qui n'est pas la sienne s'exprime dans une langue très ancienne que nous sommes peu à parler.

- Ainsi l'Héritier est sorti de son royaume. Suis la route et ne la quitte jamais, quoiqu'il se passe, quoiqu'on cherche à te faire.

- Merci à toi, Hadès ...

- Voilà bien longtemps qu'on ne m'avait pas appelé ainsi.

Je redémarre pendant que le gardien du pont lutte contre une conscience autre que la sienne. Je commence à franchir le pont. La conscience d'Hadès a quitté le mort-vivant et lorsque j'ai franchi l'obstacle, il me lance dans rictus haineux avec la voix d'O'Agir :

- Tu fourvoies mon maître. Rien ne peut le ramener à ce qu'il était.

Je lance mon engin à pleine vitesse. Je me concentre sur la route ainsi que sur les obstacles qui se dressent au fur et à mesure en travers de mon chemin. Hadès a eu l'esprit perverti lorsqu'il a vu son déclin arriver lentement. D'autres ont tenté de s'accaparer son pouvoir et, dans ce domaine hors de la réalité où il siège, il n'est plus maître mais prisonnier. La conscience de ce qu'il a été s'éveille parfois lentement.

Le réveil des Sang-dragonsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant