Analia

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Mon cœur sauta dans mon buste. Je me retournai immédiatement et vis le visage d'une femme qui avait à peu près la trentaine. Ses cheveux châtains presque noirs étaient tirés en arrière, mais de nombreuses mèches volaient autour de sa tête, signe que la coiffure n'avait pas été refaite depuis longtemps.
Elle me regarda longuement avant de dire :
<< Qui es-tu ? Dis-le moi !
- Je... Je m'appelle Djila, et je suis... en quelque sorte poursuivie. Je vous en prie, laissez-moi me cacher... chez vous... Enfin, ici quoi... je...
- Je m'appelle Analia. Pourquoi es-tu seule ?
- Hem... C'est une longue histoire très passionnante, mais je n'ai pas vraiment le temps de vous la raconter, car comme je vous l'ai dit je...
- Si tu veux de l'aide de ma part, il va me falloir savoir qui tu es, et pourquoi tu débarques ainsi dans ma cachette. Ensuite, quand je serai sûre que tu ne représentes aucun danger, tu pourras m'accompagner chez moi. Là, tu pourras entrer dans les détails, et je pourrais t'aider.
- Bien, fis-je, de toute façon, je n'ai pas le choix je suppose... >>
Je marquai un silence, et un éclat argenté provenant de la poche d'Analia me poussa à ne pas trop prolonger ce silence.
<< Je m'appelle Djila, comme je vous l'ai dit. Je vivais dans les ruines d'une ville immense, accompagnée par une petite communauté de personnes. Nous prenions notre nourriture dans les anciennes boutiques. Nous vivions ainsi, tels des charognards. Puis nous avons découvert qu'une tornade s'approchait à grand pas de chez nous. Au lieu de s'enfuir, ce qu'on aurait pu considérer comme une solution logique, nous sommes restés, sur les ordres de notre "chef", nommé Yiu. Il voulait faire des tests sur la tornade, dans un but qu'il n'a pas jugé utile de précisé et m'a choisie pour aller passer une joyeuse semaine dans un immense endroit fermé avec une tornade, jusqu'à, d'après Yiu, sa mort. Mais je me suis dit que ce serait plutôt l'inverse.
- C'est à dire ?
- Jusqu'à ma mort. Alors je me suis enfuie, en volant la nourriture des autres. Ils vivaient dans la ville, ils pouvaient se nourrir aisément. Mais j'avais vu ce qu'il y avait en dehors des villes. Un désert immense constitué de cailloux et de poussière. La mort-même avait décidé de quitter les enfers pour s'installer là-bas. J'ai rencontré des gens, ils m'ont aidée, soignée, mais Yiu est arrivé, et la tornade a détruit la ville. Aussi simple que cela.
Le souvenir de la petite fille et de la tornade me retourna l'estomac. J'omis de parler de cet incident.
- Avec les autres survivants, et mes amis, nous avons fuit la ville pour le désert. Mais Yiu nous a retrouvé et a exterminé les villageois. Un de mes amis également. Nous avons de nouveau été obligé de fuir.Pour leur sécurité, j'ai fuit mes amis. Et me voilà. Seule et meurtrie. Maintenant, s'il vos plaît, j'ai besoin d'aide. Mes amis sont peut-être déjà mort à l'heure qu'il est.
- Bien. Je vais t'emmener dans ma maison. Du moins ce qu'il en reste.
En se levant, elle me demanda :
- Comment s'apellent tes amis.
- Celui qui est mort s'appelle, Nath. Il y a Pola et Thea, Neck, et Arru.
Ses yeux se perdirent un instant de le vide.
- J'avais une fille avant. Elle était amie avec une certaine Thea elle aussi. Rima. Elle s'appelait Rima.
- Elle est morte emportée par un tsunami, n'est-ce pas ?
- Comment le sais-tu ? Qui te l'a dit ?
- Une amie nommée Thea.
- Viens, je vais t'aider, dit-elle brusquement, comme si le fait que je connaisse l'amie de sa fille disparue me donnait un statut au-dessus de celui d'avant. >>
Elle s'enfonça dans les profondeurs de la crevasse et je la suivis, faute d'avoir autre chose à faire. Analia se déplaçait vite et avec agilité. J'étais agile et rapide, mais pas dans cette situation. Mes blessures me ralentissaient, ma tête tournait, sûrement en demande urgente d'eau et de nourriture, et mes jambes souffraient du surplus d'activité. Analia s'arrêta un instant, et dans l'obscurité, je ne le vis pas. Ma tête heurta violemment son corps, ne faisant qu'aggraver son tournis. Je lâchai un petit gémissement. Elle me demanda si tout allait bien. Que répondre ? Oui, tout va bien, ce gros mensonge ? Non je vais m'évanouir, et elle me prendrait pour une faible ? Ou juste la réponse facile, le mmh mmh avec un mouvement de tête ? J'optai pour ce dernier. Son regard croisa le mien, son éclat bleu me surpris, dans les ténèbres. Le souvenir de l'éclat argenté dans sa poche réveilla en moi une peur depuis longtemps enfouie. Jamais je n'avais songé comparer quelqu'un à... eux. Voici le seul surnom qu'ils n'aient jamais eu. Du moins par chez moi.
Analia reprit sa course effrénée. La suivre devenait de plus en plus compliqué. Son visage ne laissait apparaître aucun signe de fatigue. Étrange... J'avais peur d'eux. Se pourrait-il qu'elle en soit une ? Mon père en parlait souvent. Aucune conscience. Aucun sentiment... humain. Seulement ceux que l'on leur avait appris. Une boule se forma au creux de mon ventre. Je suppliai tous les gens que je connaissais, pour que ce n'en soit pas une. Par pitié.
De la lumière apparut au loin. Le trou débouchai enfin. Elle sauta pour arriver en haut. Seul un athlète spécialisé dans le saut en hauteur serait capable de réussir un tel exploit. Elle tendit sa main vers moi pour m'aider à grimper. Je pris son poignet à deux mains, et elle me fit grimper tout en haut. D'une seule main.
Une maison immense trônait là, comme si elle nous attendait. Une aile était entièrement détruite. Il n'y avait que des ruines. Analia m'invita à entrer. La maison était très bien habitée. Une lumière douce éclairait chaque salles, meublées avec soin et luxe. Analia traversa les salles en s'arrêtant à chaque porte en regardant à droite à gauche, avant de repartir.
  Nous arrivâmes dans une pièce que je devinais être un salon. Je me rendis compte que je n'avais aucune arme pour me défendre en cas d'attaque. Je jetai des regards discrets dans toute la pièce.
  Là. Près de l'endroit où l'on range le pain. Un couteau long et fin. Une lame éclatante, n'attendant que d'être utilisée. Discrètement je me rapprochai de lui, et le pris dans mes mains, avant de le cacher dans une de mes poches.
  << Je t'ai vue. >>
  Mon sang se glaça dans mes veines. Je levai les yeux vers elle. Je savais ce qu'il me restait à faire. Je couru vers elle, fis un grand mouvement avec le couteau, perforant sa peau, et couru de nouveau me réfugier dans un coin de la pièce.
  Elle leva les yeux vers moi, ses yeux vides d'expression. Je déglutis. Je dis, la voix tremblante :
  << Soulevez votre T-Shirt. Soulevez-le ! >>
  Elle sourit, moqueuse, soulevant lentement son haut. C'est bien ce que je pensai. Là où la peau avait été découpée, ne logeait pas un amas d'organe et de sang, mais plutôt une plaque de métal, colorée par des sortes de boutons rouges et verts.
  Putain de cyborg.

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