Imagine un gamin, un môme à peine plus âgé que toi mais grand, sans cesse voûté pour cacher sa taille, et maigre. Un enfant ayant poussé trop vite et dissimulant son visage timide sous une cascade de cheveux châtains. Il n'a connu, depuis toujours, qu'une cité vivant repliée sur elle-même, coupée du monde et de la réalité de la vie. Lui qui n'a jamais été seul de sa courte existence se retrouve livré à lui-même dans le ventre de cet immense vaisseau.
Sa chambre n'est pas particulièrement spacieuse, six pas seulement séparent le lit de la porte mais elle n'accueille que lui. Les autres ont la chance de vivre ce cauchemar à plusieurs mais pas lui. Les gens qui l'ont placé ici avaient sur le visage cet air de respect qu'impose un rang social inférieur mais qui, surtout, masque un profond dégoût. Dégoût envers ce gamin soi-disant privilégié qui lui aurait cent fois préféré côtoyer d'autres personnes, quitte à vivre dans une promiscuité étouffante.
Parfois, lorsque l'ennui se fait trop fort, il se lève et, de façon presque mécanique, fait le tour de la chambre en comptant. Un. Deux. Trois. Quatre. Cinq. Six. Six pas jusqu'à la porte. Trois autres vers la droite l'amènent à une petite armoire, puis il longe le lit et en six pas et demi traverse l'intégralité de sa chambre jusqu'à un petit bureau, juste en face de l'armoire. Et il recommence, tournant dans cette petite pièce comme un animal dans une cage, les yeux fixés sur les murs nus.
Il avait tapissé le côté droit de son ancienne chambre, celle se trouvant loin, très loin, sur Terre, avec des affiches de films et le gauche avec des posters de groupes qu'il aimait bien, surtout de rock mais aussi de jazz. Le dessus de son bureau, lui, avait été consacré à des photos. Lui avec sa famille. Lui avec des amis. Lui en vacances. Des petits morceaux de sa vie qu'il regardait lorsqu'il n'avait pas envie de faire ses devoirs ou qu'il se sentait trop seul.
Cela arrivait parfois lorsqu'il rentrait de l'école et que sa maison était vide. Père en voyage d'affaires et Mère en visite chez des amies. Mais ce n'était pas la même solitude que dans cette chambre. Ici, il n'avait pas d'autre choix que d'être seul ; avant, il pouvait, dès qu'il le souhaitait, rompre cette solitude en allant toquer chez un ami.
Soixante-deux jours de solitude sans parler à quiconque sauf aux personnes lui apportant trois fois par jour un maigre plateau-repas. Au moins sur ce point-là il est logé à la même enseigne que les autres. Tu imagines, presque deux mois sans décrocher plus d'une vingtaine de mots par jour ! C'est à ce moment-là que ta propre voix commence à te paraître étrange, beaucoup trop bruyante pour le silence auquel tu es habitué. Alors, si cela t'était arrivé, tu aurais sans doute fait comme lui en te parlant machinalement à toi-même, pour couvrir ce silence assourdissant.
Parfois il se raconte même des histoires, celles parlant de robots et de planètes lointaines, de futur contrôlé par des machines ou par un dictateur qui voit tout. Il les conte de mémoire, modifiant certaines parties, en oubliant d'autres, rêvant qu'il était un de ces héros intergalactiques. De temps à autre il se prend même à imaginer son futur dans l'espace, le narrant comme s'il était un roman. Il se voit chevauchant des comètes faisant route vers des galaxies lointaines ou découvrant une planète encore inconnue peuplée d'êtres, de végétaux et d'animaux n'ayant rien en commun avec ceux de la Terre. Et dans ses rêveries les plus folles, lorsqu'il rentre chez lui après des mois d'aventures, il retrouve ses parents debouts sur le seuil d'une maison. Son père dans un costume gris et sa mère dans une jolie robe, si tangibles et réels qu'il en pleurait presque.
D'ailleurs, ça lui arrive de temps en temps. Sans crier gare, ses yeux se mettent à libérer des flots d'eau salée dégoulinant sur son visage et son T-shirt. Imagine-le. Assis en tailleur sur son lit, la tête renversée en arrière, sanglotant, hurlant parfois, comme un petit enfant et personne pour le consoler ou le rassurer. Pathétique tableau.
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Nouvelle Terre:
Fiksi IlmiahNous sommes 100 ans dans le futur et l'Homme vit dans une immense station spatiale du nom de Nouvelle Ère. Là bas un garçon de dix ans du nom d'Europe écoute d'un air émerveillé les histoires de son grand-père et de deux autres personnes âgées: Luna...