Europe fila à travers les couloirs, avançant tête baissée et l'air boudeur. Ses jambes faisaient d'aussi grands pas qu'elles le pouvaient et l'emmenèrent très vite loin de l'infirmerie. Beaucoup trop loin car lorsqu'il releva la tête il se rendit compte qu'il avait simplement suivi le chemin qu'il prenait en sortant des appartements de son grand-père. Or aujourd'hui ce n'était pas de là qu'il était parti et il était incapable de dire où il se trouvait.
Le corridor autour de lui était semblable à tous les autres de la résidence avec son plancher en bois clair, ses murs beiges où étaient accrochés des tableaux et ses grandes fenêtres sans poignée s'ouvrant grâce à un système électronique. Il jeta un coup d'œil à travers les vitres et apprit qu'il devait se trouver au premier étage, ce qui ne l'avançait pas beaucoup.
Ses parents lui avaient raconté que lorsqu'il était tout petit, juste après qu'il ait appris à marcher mais un peu avant qu'ils ne déménagent dans la station dédiée à la campagne, il caracolait partout dans la résidence, parcourant les étages sur ses petites jambes potelées et réussissant toujours à retrouver son chemin. Et puis après ils étaient partis dans une autre station et les visites s'étaient faites de plus en plus rares jusqu'à se réduire à deux par mois et un peu plus durant les vacances scolaires.
Seljord ne s'était jamais plaint, sachant très bien que les deux stations étaient situées à l'opposé l'une de l'autre et que le voyage prenait bien une demi-journée, ce qui, pour un petit garçon, était beaucoup. Il disait tout le temps que moins il voyait son petit-fils, sa fille et son mari, plus il appréciait de les revoir.
Maintenant Europe ne se souvenait plus que du chemin menant à la chambre de son grand-père et des différentes allées du parc où ils se retrouvaient le plus souvent. L'intérieur de la maison de retraite était pour lui un labyrinthe et il pensa un instant que les personnes l'ayant conçu auraient pu penser à mettre des panneaux d'indication comme ceux revenant à la mode ces derniers temps et se réduisant à une flèche où était marquées une destination ainsi que sa distance.
Il y en avait une au coin de la rue où il habitait. Elle était vraiment très jolie, en bois vernis et le mot « Gare » s'accompagnait d'une jolie illustration.
Europe imagina un instant le même genre de panneau ici, désignant le chemin vers la chambre de mamie machin ou de papi bidule, et vers la sortie. Surtout vers la sortie. Il était certain que cela aurait facilité la tâche à beaucoup de visiteurs.
Un peu ennuyé qu'une telle idée n'ait germé que dans son esprit, il glissa sa main sur sa hanche puis sa jambe, cherchant son sac qu'il se rappela avoir laissé dans la chambre de son grand-père. La poisse le poursuivait car dedans il y avait un objet qui aurait pu l'aider.
Chris appelait ça une boussole et affirmait qu'avant, sur Terre, elle permettait aux gens de retrouver leur chemin. Europe avait toujours gardé ce petit objet rond sur lui, ne comprenant pas vraiment comment une espèce de montre avec des lettres sans aucun sens et deux flèches, dont l'une tournant comme une girouette un jour de grand vent, pouvait avoir ce genre de pouvoir. Il avait un jour émis l'hypothèse qu'elle se mettrait à fonctionner uniquement le jour où il serait perdu, et voilà que lorsqu'il avait enfin la possibilité de confronter théorie aux faits, elle avait décidé de lui fausser compagnie.
Stupide appareil.
Europe donna un coup de pied dans un caillou imaginaire puis un autre dans un pissenlit tout aussi imaginaire qui hurla de douleur avant de répandre ses petites graines blanchâtres partout sur le sol. Cela l'amusa durant quelques instants mais très vite il se souvint que dehors il y avait des champs entiers de pissenlits dans lesquels il pourrait courir s'il retrouvait un jour la sortie.
L'espace d'une seconde il se vit, tournant à l'infini dans ces couloirs, frappant contre les minces vitres le séparant du monde extérieur et devenant, au fil des ans, aussi rabougri et fripé que certains des plus vieux pensionnaires de ce labyrinthe diabolique.
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Nouvelle Terre:
Ciencia FicciónNous sommes 100 ans dans le futur et l'Homme vit dans une immense station spatiale du nom de Nouvelle Ère. Là bas un garçon de dix ans du nom d'Europe écoute d'un air émerveillé les histoires de son grand-père et de deux autres personnes âgées: Luna...