Chapitre 3, Partie 1:

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Une brise fraîche accueillit Europe lorsqu'il ouvrit la porte de l'arrière-cuisine et provoqua une chair de poule sur ses bras, pourtant couverts par un fin T-shirt. Presque par automatisme, il porta sa main à l'intérieur de sa manche, là où se trouvait un petit rectangle pas plus gros qu'une phalange permettant au vêtement de produire une douce chaleur dès qu'on l'effleurait.

Mais, juste avant de le toucher, il laissa finalement retomber son bras ; après tout, le soleil filtrant à travers les arbres caressait sa peau et annonçait une après-midi chaude et ce malgré l'air frisquet du matin.

En quelques pas il traversa la petite cour dallée et, après avoir passé une porte en bois, arriva sur la place, lieu de vie et de retrouvailles du quartier. Parfaitement circulaire, elle était délimitée par les cours des maisons et les huit chemins, quatre faits de terre, quatre autres faits d'eau, permettant d'accéder aux autres habitations et formant comme les rayons d'une roue.

Prenant un peu d'élan, Europe sauta par-dessus un petit muret lui arrivant à peine au-dessus du genou et formant un cercle, délimitant comme une seconde place à l'intérieur de la première. Il n'y avait pas grand monde, juste un jeune homme qui lui adressa un geste de la tête ainsi qu'un sourire presque désolé et une bande d'enfants jouant aux billes, le nouveau jeu délicieusement terrien et simple que vantaient tous les magasins de jouets, à côté du carrousel.

Magnifiquement décoré dans des tons or et, bien sûr, bleutés avec un bestiaire varié allant du traditionnel cheval en passant par l'éléphant et d'autres, plus surprenants, comme un hippocampe géant ou une chouette immaculée semblant sur le point de s'envoler, sans oublier les traditionnels carrosses, montgolfières et tasses géantes, Europe comprit en le voyant pourquoi tout le monde en parlait autant.

Il s'arrêta un instant, écoutant la petite ritournelle à peine audible depuis sa maison et songea que, s'il avait été plus petit, il aurait bien aimé monter sur le chat géant ou, mieux encore, dans ce petit avion à hélices suspendu par des chaînes et se balançant doucement dans le vent.

Mais ce n'était plus pour lui, la mort de ses parents l'avait fait grandir sans pourtant lui faire prendre un seul centimètre, ce qui était assez paradoxal en soi. Avant il avait le droit de s'amuser, de monter dans les arbres, de courir en ouvrant les bras, comme pour s'envoler et de caresser les épis de blé du bout des doigts. Il y avait quelques jours à peine, il pouvait encore pleurnicher un peu pour de faux pour arriver à ses fins ou trouver normal qu'en rentrant d'une folle expédition à travers les champs, il y ait un goûter préparé sur la table rien que pour lui.

Maintenant, tout cela lui était interdit. Personne ne lui avait dicté une telle règle, c'était lui-même qui se l'était imposé, dans le silence de son esprit. Laisser les branches aux écureuils et aux oiseaux, marcher d'un pas calme, les bras le long du corps. Ne jamais faire honte à la tristesse en gaspillant de fausses larmes et toujours faire les choses par soi-même.

C'était ça, devenir adulte et les grandes personnes ne s'amusent pas sur des carrousels, elles se contentent de les observer, l'air un peu nostalgique. Mais dès qu'elles peuvent et sous prétexte d'accompagner un jeune enfant, elles remontent dessus, pressées de retomber dans une période plus insouciante.

Mais Europe n'avait personne pour servir de faire-valoir. D'ailleurs le manège n'était même pas encore ouvert, alors il poursuivit simplement sa route, le cœur un peu triste, du moins jusqu'au moment où son odorat lui indiqua qu'il arrivait à destination.

Inspirant à pleins poumons, il retint ensuite son souffle quelques secondes, comme pour garder en lui les délicieuses odeurs de pains chauds, de viennoiseries sortant du four et de gâteaux tout juste préparés qui s'échappaient de la porte ouverte de la boulangerie grouillant de monde malgré l'heure matinale.

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