Sous toi le bois du ponton est encore humide des jeux aquatiques qu'il a accueilli durant l'après-midi. Tu aimerais te lever, tu te dis que ton pantalon va finir trempé et tu n'as pas vraiment tort. Mais ne bouge pas, reste assis.
Autour de toi l'air est chaud, presque étouffant.
Sens la sueur couler le long de ton cou. Elle se glisse sous ton T-shirt et termine sa course dans le creux de tes reins. Un autre filet ruisselle le long de tes tempes et tes cheveux sont plaqués contre ton front, lisse à force d'être mouillés.
Entend les clapotements du lac, là, à quelque pas de toi et sens monter en toi l'envie de t'y jeter la tête la première. Imagine la fraîcheur de l'eau débarrassant ta peau de cette fine pellicule salée et cette vase molle où tu t'enfonces avec un bruit de succion. Imagine l'onde plaquant tes vêtements contre ta peau, créant une carapace de tissu entravant tes mouvements.
Non, ne bouge pas.
Plus tard, si tu le souhaites, tu pourras courir et plonger dans l'onde mais pas pour le moment.
Reste assis.
Les moustiques te frôlent, le bruit de leurs ailes irritent tes oreilles et te donnent envie d'agiter les bras en tous sens. Les entends-tu ?
N'y pense plus. Concentres toi sur les rires et les voix qui te parviennent, ce sont celles d'adultes et d'enfants, d'homme et de femme. En tendant l'oreille tu peux même entendre un air entrainant.
Tu es curieux de savoir ce qu'il se passe là-bas alors ouvre les yeux.
Embrasse les montagnes, hautes et sombres, presque menaçante et le lac, étrangement calme et clair. Jette un rapide coup d'œil au ciel, cette voûte indécise oscillant entre le jour et la nuit. Le faible rayonnement d'un soleil ne voulant se coucher à l'horizon et noirceur étoilé lorsque tu lèves les yeux juste au dessus de toi.
Est-ce la nuit ?
Est-ce le jour ?
La question effleure ton esprit mais aucune des réponses ne te semblent être la bonne.
Et tu as raison. Car ce n'est ni l'un ni l'autre et pourtant les deux en même temps, comme une sorte de crépuscule éternel, un jour qui n'en finit pas de mourir et une nuit qui naît en permanence.
Tu pourrais rester comme cela longtemps, contempler des heures ce spectacle étrange mais les voix te parviennent encore. Elles sont comme un aimant. Le ressens-tu ? Cette drôle de force qui naît au creux de ton ventre et qui te force à marcher vers tes semblables. Elle est si tangible que tu la sens presque, telle une main te poussant gentiment dans le dos.
Alors obéis et avances.
Ne cours pas. Si tu le fais tu ne verras rien et le voyage sera gâché. Non, marche doucement, prend le temps d'observer les maisons qui se rapprochent. Portes ouvertes, lumières éteintes et teintes pastel que tu discernes mal dans cette pénombre.
Jaune ? Rose ? Vert ? Bleu. Tout autour de toi semble être teinté de cette couleur et la foule que tu entraperçois désormais semble être composée d'ombres bleu marine.
Tu connais toutes ces personnes. Tu les vois le matin en partant à l'école et le soir en rentrant, le week-end tu joues avec leurs enfants et tes parents les invitent même parfois à prendre à verre chez vous.
Cette femme, tout en sourire et en joues rondes, qui s'occupe de garnir une table croulant déjà sous les plats et les desserts, cet autre à l'air fatigué et aux yeux qui se ferment presque, ces jumelles qui jouent à la corde à sauter, même ce vieux chien à la peau plissé tu le connais.
Mais il y a quelqu'un dans cette foule qui est plus qu'une simple connaissance et tu te rends soudainement compte que c'est vers lui que t'as poussé cette drôle de force. Alors cherches, scrutes les visages, écoute les voix, faufiles toi à travers les groupes et, brusquement, arrête toi.
Il est là.
Agenouillé dans l'herbe, au milieu d'une nuée d'enfant, il semble immense et malgré son jeune âge il y a quelque chose d'infiniment sage dans la manière qu'il a de pointer le ciel de son doigt. Comprends-tu ce qu'il est entrain de faire ? Il tente tant bien que mal de montrer des constellations aux petits autours de lui.
Observe-le.
Son visage si bienveillant, la manière qu'il a de rire lorsque qu'une fillette de quatre ou cinq ans se jette sur son dos, le projetant à plat ventre dans l'herbe, son sourire lorsqu'il se relève et te voit.
Ce simple mouvement de lèvre, sens ce qu'il provoque au fond de toi. La certitude de ne jamais être seul, d'être toujours protégé et épaulé. Le sourire franc et sincère d'un grand frère.
Mais très vite son regard quittes ton visage et glisse par-dessus ton épaule.
Retourne-toi vivement.
Qu'y a-t-il là bas pour détourner ton grand frère de toi ?
Deux personnes debout sur le bord d'une route et une grosse voiture noire.
Détaille-les.
Lui, si grand et si fin, tout en muscle noueux et en jambes immenses. Sa peau, si noir qu'elle semble faite pour le camoufler dans la nuit, et les petites rides qui sillonnent son visage, ses yeux, fatigués, rouges d'avoir trop conduit, mais brillant.
Elle qui lui ressemble. Même haute taille, même membre fins, même peau sombre, même émerveillement au fond des yeux. Elle, sa fille.
Ton frère s'est approchés, ils leurs parlent dans une langue que tu ne comprends pas et qu'il semble mal maîtriser.
Ne te retiens pas et cours vers eux, vas apaiser cette curiosité qui brûle au fond de tes entrailles. Poses des questions comme tu sais si bien le faire, oui, de cette manière, avec les mots sortant si vite de ta bouche qu'ils s'entremêlent comme une guirlande de Noël.
Vois au visage des étrangers qu'ils ne te comprennent pas et sens le poing de ton frère s'abattre gentiment sur ton crâne, pas pour te faire mal juste pour te faire comprendre qu'il est temps que tu te taises. D'ailleurs ce poing s'ouvre très vite pour t'ébouriffer les cheveux et tu entends la voix de ton frère bafouiller des excuses aux étrangers. Enfin, cela ressemble à des excuses.
Blottis toi contre son flanc et lève ton visage.
Vois comme celui de la fille est animé. Bouche souriante dévoilant des dents blanches, tête penchée tandis qu'elle écoute son père parler, yeux qui sautillent, passent sur les montagnes, le lac, le ciel et finalement ton frère qui continu de bafouiller.
Il finit par faire signe à un homme qui prends le relais et les emmène traversant la place et la foule qui se fend en deux à leur passage.
Les gamins sont de retour, ils houspillent ton frère, ils veulent voir les lucioles, toi aussi d'ailleurs mais, tandis que tu tires sur sa main, tu remarques ses yeux sont toujours tournée vers elle et tu vois briller aux fonds d'eux quelques chose d'inédit.
Alors qu'il accepte finalement de vous emmener reste un peu en retrait et retourne toi.
C'est important car, à l'instant même où le fait, tu remarques qu'elle aussi a fait de même et vous observes. Observe ton frère. Et si tu étais plus prés tu pourrais voir que dans ces yeux scintillent la même chose que dans ceux de ton frère.
Une petite étincelle de curiosité avide. Celle de connaître l'autre, de le découvrir.
Bonne année!!
Je voulais vous remercier car ce roman à atteint les 1K de vues!! Et j'aimerais également demander à toutes les personnages qui lisent, votent mais ne commentent pas de faire un petit effort et de prendre deux minutes pour écrire une ligne ou deux. Avoir des retour est très important pour moi, ça me permet de mieux voir les défauts de mon roman et de les corriger.
Voilà, j'espère que vous avez apprécié ce chapitre et je vous donne rendez-vous dans un mois!
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Nouvelle Terre:
Science FictionNous sommes 100 ans dans le futur et l'Homme vit dans une immense station spatiale du nom de Nouvelle Ère. Là bas un garçon de dix ans du nom d'Europe écoute d'un air émerveillé les histoires de son grand-père et de deux autres personnes âgées: Luna...