Chapitre 9, Partie 1:

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L'après-midi touchait à sa fin et le parc où les élèves s'étaient réunis pour partager un goûter était baigné depuis une petite heure déjà dans un crépuscule doré. Europe se souvint vaguement que cela avait presque fait bondir Chris de son fauteuil lorsque les habitants de la Capitale avaient rallongé ce moment magique de trois bonnes heures pour en profiter pleinement. Ainsi, de la même manière, les aubes s'éternisaient désormais durant deux heures et ce dans beaucoup de sous-stations. Le garçon trouvait cela magnifique, le vieillard lui grognait que cela rompait le charme du moment.

Distraitement il jeta une poignée de noix à une nuée de petits écureuils qui se ruèrent dessus avant de s'enfuir en bondissant vers une nouvelle source de nourriture, provoquant des exclamations émerveillées chez ses camarades qui tentaient de s'en saisir.

Le reste de la sortie avait été étrange, en fait, il n'en avait presque rien retenu. Dans sa tête n'avait arrêté de danser le sourire enfantin de Luna et ses yeux malicieux. Comment disait-on déjà sur Terre ? C'était une vieille expression, quelque chose dans le genre : « on lui donnerait n'importe quoi sans rien redire ». Il ne se souvenait plus des mots exacts mais ils correspondaient très bien à la vieille femme.

Son grand-père lui mentait de temps à autre, ça il le savait très bien. Ou plutôt il lui cachait des petites informations, des pas grand-chose qu'il jugeait trop durs à entendre pour les oreilles de son petit-fils. Europe n'aimait pas vraiment cela mais il ne pouvait faire autrement que de vivre avec. Chris, lui, était souvent forcé à mentir, parce que ses propos étaient souvent trop injurieux et même ses parents ne lui avaient pas toujours dit la vérité. Un jour son père avait soutenu que malheureusement ils ne pourraient pas aller faire une longue promenade à cheval pour son anniversaire, et sa mère avait joué elle aussi le jeu. Il en avait été très triste mais le jour venu il avait trouvé trois superbes chevaux dans le jardin, l'un d'eux avait même des taches noires et blanches ainsi qu'une crinière blonde, exactement comme celui des bandes dessinées qu'il lisait.

Mais Luna, elle, n'avait jamais cherché à cacher certains événements, elle s'arrangeait juste pour les présenter sous leur meilleur angle, et pour cela personne n'avait jamais cherché à la faire taire. Et pour les cadeaux elle était une tombe, aucune information ne filtrait jamais de sa bouche alors elle n'avait jamais eu à inventer pour détourner l'attention.

A cause de tout cela, Europe ne l'aurait jamais crue capable d'inventer quelque chose d'aussi terrible. Il avait appris très vite qu'il y avait dans ce monde deux types de mensonges. Les premiers sont innocents, ce sont ceux qu'on profère pour ne pas vexer ou bien pour conserver une surprise intacte. Les seconds sont mauvais, ils sont là pour manipuler et enjoliver la réalité. Avant cet après-midi il aurait sans doute admis que, en dernier recours, Luna serait capable d'utiliser le premier type de mensonge mais, jamais, l'idée ne l'aurait effleuré qu'elle s'empare du deuxième. Et pourtant cela semblait, aussi terrible que cela puisse paraître, être le cas.

Toute l'après-midi une question simple l'avait taraudé : était-il au moins certain que Luna avait trafiqué la vérité ? La réponse lui était apparue très vite mais il lui avait fallu des heures de réflexion pour l'accepter. Pas vraiment. Un homme lui avait dit que son collègue avait pensé à la guerre du Vietnam en entendant sa description. Mais il pouvait très bien se tromper... ou bien être totalement dans le vrai, aucun moyen de savoir.

Plongé dans ses réflexions il perçut un mouvement quelque part devant ses yeux, comme si on agitait quelque chose devant son regard, mais il n'y prêta pas attention et après quelques secondes ses yeux semblèrent avoir compris le message et la distraction se fondit dans un flou agréable.

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