chapitre 15: Megan

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— Elle ne t'a vraiment jamais rien dit sur ton père ? je demande en dessinant de petits cercles sur le bras d'Aston du bout des doigts.

— Non. Mon grand-père m'a dit, il y a quelques années, qu'elle était allée à l'anniversaire d'un ami et qu'elle avait découvert quelques semaines plus tard qu'elle était enceinte. Elle jurait qu'il n'y avait eu que lui, mais elle ne se rappelait pas son prénom. Ça change rien, de toute façon. J'ai mon grand-père, c'est tout ce qui importe. Il était là pour moi, et c'était le seul.

— Il a l'air d'être un homme épatant, je dis en penchant la tête pour regarder ses yeux gris. Je comprends mieux de qui tu tiens.

Il émet un petit bruit incrédule.

— Je suis pas un type épatant, bébé, loin de là.

— Ce qu'il y a de bien à avoir un point de vue extérieur, c'est que je peux voir ce dont toi tu es incapable. Tu ne t'en rends peut-être pas compte, peut-être que tu ne t'en rendras jamais compte, mais c'est la vérité.

Je lève la main pour caresser sa barbe naissante. Je ne mens pas, je perçois tout ce qu'il représente. Je vois la beauté dissimulée derrière les horribles souvenirs de son passé. Il doit seulement la laisser rayonner.

— Si tu le dis.

Il me prend la main et embrasse doucement chacun de mes doigts.

— Je suis désolée de t'avoir obligé à repenser à tout ça, je murmure.

— Pas moi, répond-il fermement. Je suis content que tu l'aies fait. Tu avais raison hier. Il faut se perdre dans l'obscurité pour apprécier la lumière. J'ai la tête remplie d'ombres et d'horreurs, mais quand je me plonge dans tes yeux, c'est comme si je voyais la lumière au bout du tunnel, une lumière que j'aurais jamais pensé voir.

Je pose ma main à plat sur sa joue, il la recouvre de la sienne et je lève la tête pour l'embrasser.

— Ça me plaît beaucoup de te faire cet effet.

— C'est la vérité. Qui d'autre je pourrais menacer de lui donner la fessée à l'autre bout de la table de la cuisine ?

Il sourit légèrement, et les ténèbres refluent de son regard pour céder la place à la lumière que je connais.

— Je suis sûre que tu pourrais trouver quelqu'un, je réponds en haussant une épaule.

— Oui, sûrement, mais je ne veux pas. (Il redevient sérieux et fait glisser sa main le long de mon bras pour la poser dans mon dos.) Je dois te dire autre chose, mais tu dois me promettre que tu ne te mettras pas en colère et que tu ne me laisseras pas.

— Je ne te laisserai pas, Aston, je lui assure en appuyant chacun de mes mots. D'accord ? Je ne vais nulle part.

L'espace d'une seconde, j'aperçois le petit garçon en lui apparaître dans ses yeux, et je sens mon cœur se serrer. J'ai de la peine pour ce qu'il doit ressentir.

— Il y a quelques jours de ça, je suis allé dans un bar... Il était isolé, et j'y suis allé pour me prouver que je ne suis pas comme ma mère. (Il ferme les yeux pour reprendre son sang-froid avant de les rouvrir.) Je savais que si j'entrais là-dedans et que je repartais avec quelqu'un, je vaudrais pas mieux qu'elle.

Je déglutis en essayant de garder une expression neutre malgré la bile qui me remonte dans la gorge. Même si je sens tout mon corps se crisper, une partie de moi sait qu'il n'a rien fait. Il est plus fort que ça. Il faut que j'y croie.

— Et ?

Ma voix est d'un calme trompeur : à l'intérieur, c'est la tempête. Je suis furieuse qu'il ait seulement essayé, je suis furieuse contre les gens qui l'ont rendu ainsi, je suis furieuse des mots qu'on a dû lui rabâcher tant de fois, au point qu'il croie qu'il ne vaut pas mieux que sa mère.

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