chapitre 2: Aston

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Ses yeux bleus sont rivés sur la page devant elle, comme ils le sont toujours. Je n'ai jamais vu personne passer autant de temps le nez fourré dans les pages d'un livre que Megan. Partout où elle va, elle en emporte un avec elle – dans son sac, sur ses genoux, posé à côté d'elle.

Personne d'autre ne le remarque. Et personne ne remarque non plus que moi, si.

Elle fronce les sourcils et se mord la lèvre inférieure en écartant ses cheveux blonds de son visage. Elle les rassemble à l'arrière de sa tête et retire un élastique de son poignet pour les attacher, exposant la courbe et la peau douce de son cou. Je fais tourner mon stylo entre mes doigts et repose les yeux sur mon propre livre.

Hors limites. Voilà où se situe Megan Harper.

J'ai su, dès la première fois où je l'ai vue, que je ne pourrais jamais l'avoir. Sa façon de se tenir et ses remarques sarcastiques mais toujours polies – elle a tout de la petite fille riche, du genre que j'ai jamais eu et que j'aurai jamais. C'est ce qui la pousse à traiter tout le monde avec respect, quoi qu'on pense d'eux. Je suis sûr qu'elle pourrait se retrouver face à un tueur en série et imaginer au moins une remarque aimable à lui adresser.

C'est ce qu'elle fait pour tout le monde.

Tout le monde bénéficie du même traitement, et chaque remarque sarcastique, à la limite de la vacherie, est toujours suivie par une plus douce. Chaque froncement de sourcils ou regard noir et fugace est suivi par un sourire d'excuse, et chaque tape est espiègle. Tout le monde est égal jusqu'à preuve du contraire.

Sauf moi.

Je suis l'exception à sa règle. Et putain, j'adore ça. C'est moi qui la provoque, mais je peux pas m'empêcher de la titiller et de la mettre en boule. C'est addictif, ça allume en moi une étincelle que je ne peux plus éteindre une fois que j'ai commencé. Elle mord si facilement à l'hameçon et, parfois, elle me lance une réplique acerbe avant même que j'aie terminé ma phrase.

Ça me facilite les choses pour la tenir à l'écart de moi. Ça me facilite les choses pour choisir au hasard une fille dont j'ai rien à foutre et la ramener dans ma chambre chaque week-end pour me la taper à la place. Si Megan montrait le moindre minuscule intérêt pour moi, pour autre chose qu'une joute verbale, vous pouvez être sûr que je rappliquerais à la vitesse de l'éclair.

Elle se retrouverait dans mon lit et plaquée sous moi encore plus vite que ça.

— C'est quoi le problème ? T'en as marre de mater tes greluches habituelles ?

Je cligne des yeux. Son visage est tourné vers moi, un air interrogateur dans ses grands yeux brillants, et je souris.

— Ça dépend si tu t'inclus dedans.

— Je n'ai pas une estime particulièrement haute de moi-même, Aston, mais je ne me sous-estime pas non plus à ce point. (Elle mordille le bout de son stylo.) La dernière chose dont j'ai envie, c'est bien d'être une de tes greluches.

Aïe.

— C'est dommage. (Je me penche vers elle.) Je pense que tu collerais à la perfection.

— Vraiment ? (Elle m'adresse un sourire perfide.) Parce que j'ai bien peur de ne pas faire le poids. D'abord, parce que j'ai tendance à garder ma culotte jusqu'à la fin de la soirée.

— On pourrait faire en sorte d'y remédier.

— La seule manière de me l'enlever, c'est que je le fasse moi-même.

Je souris. Elle a cette rougeur révélatrice sur les joues et ses yeux brillent un peu plus que d'habitude quand elle est agacée. Et c'est à moi, le plus souvent, qu'elle réserve ce genre de regard.

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