chapitre18: Aston

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La maison de papy n'a jamais été aussi intimidante. La maison dans laquelle j'ai vraiment grandi est aujourd'hui l'un des endroits les plus flippants que j'ai jamais affrontés.

Cet endroit heureux abrite des démons prêts à être relâchés dans le monde, et je ne veux pas penser à ça. Je ne sais pas si j'ai bien fait de venir, mais je ne veux pas y penser non plus. Je n'arrive pas à savoir si j'ai pris la bonne décision.

Mais je sais que cette conversation doit avoir lieu. Je ne peux pas rester bloqué dans mon passé, mais je ne pourrai jamais avancer si papy en est incapable. Je n'arriverai pas à m'en remettre si c'est ma propre foutue ignorance qui le braque.

— Qu'est-ce que tu fais là au milieu de la semaine ? grogne papy quand j'entre dans la maison.

— Je suis venu te parler, je réponds en me laissant tomber sur le canapé à côté de lui.

Il tire une bouffée de son cigare et me jette un regard perçant à travers la volute de fumée.

— T'es resté assis assez longtemps dans ta jolie voiture dehors. De quoi tu veux parler ?

Je prends une profonde inspiration et détourne les yeux. Je sais que mes prochains mots vont tout changer.

— De maman.

Il ne dit rien. Il souffle la fumée de son cigare et je le vois remuer légèrement.

— Je croyais que t'en avais rien à faire ?

— Peut-être que je veux savoir, maintenant. Que je suis prêt à entendre ce que tu as à me dire. (Je tourne lentement le visage vers lui.) Peut-être qu'il est temps qu'on soit tous les deux honnêtes avec ce qu'on a dans le crâne, papy.

— Megan est une fille bien. C'est elle qui t'a convaincu de venir, non ?

Je secoue la tête.

— Elle m'a fait comprendre que je ne pouvais pas vivre dans le passé pour toujours, mais elle ne m'a forcé à rien. Je suis venu ici de mon plein gré.

— Elle sait que tu es là ?

— Non.

Papy remue de nouveau et abandonne son cigare dans le cendrier. Il pose les coudes sur les accoudoirs de son fauteuil et croise les doigts.

— Qu'est-ce que tu veux savoir ?

Je cale mes mains sous mes jambes, comme quand j'étais petit et qu'on allait commencer une leçon ou qu'il s'apprêtait à me lire une histoire. Et, dans un sens, la conversation qu'on est sur le point d'avoir est un peu des deux. La vérité crue de l'histoire et la leçon à en tirer.

— Tout ce que tu as à me dire. Tout ce que tu estimes que je dois savoir.

— La première chose qu'il faut que tu saches, c'est que ta mère n'a pas toujours été la personne que tu as connue. Jusqu'à ses seize ans, c'était la fille parfaite. Étudiante au tableau d'honneur, polie, gentille... Je n'aurais pas pu espérer de meilleure petite fille. Elle était du genre à se mettre en quatre pour vous faire plaisir. Mais c'est en dernière année de lycée qu'elle s'est mise à fréquenter les mauvaises personnes.

» Bon, ce n'est pas une excuse pour ce qu'elle a fait, mais ces gens avaient une immense influence sur elle. Je sais que je ne peux pas rejeter toute la faute sur eux ; elle a fait ses choix. On ne l'a pas forcée à les fréquenter. Il n'y a aucune excuse pour la vie qu'elle s'est créée, pour elle comme pour toi.

» Le jour où elle est revenue en annonçant qu'elle était enceinte, c'était une journée de folie. Ta grand-mère et moi, on était partagés entre mille émotions. On allait être grands-parents, mais c'était au prix de notre bébé. Elle n'avait que dix-sept ans, et on n'aurait jamais imaginé qu'un simple week-end chez son amie allait finir comme ça. Mais on a quand même essayé de l'aider comme on a pu.

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