EPILOGUE : ASTON

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Je remonte la fermeture Éclair de ma veste quand le vent froid souffle sur la baie de San Francisco. Je résiste à l'envie de tourner les talons pour rejoindre la marina en courant. Je ne courrai pas. C'est une chose que je dois faire, que je dois faire pour moi.

Megan me serre la main en se blottissant sous mon bras, et on entre dans le cimetière où ma mère est enterrée.

J'ai la nausée. Des émotions plus fortes que je n'en ai ressenti depuis longtemps tourbillonnent dans tout mon corps, de la haine à la pitié, de la peur à la colère, et malgré tout... malgré tout un peu d'amour pour la femme qui m'a donné la vie et a essayé de m'élever.

On serpente en silence entre les tombes, en direction du fond du cimetière. Je tiens fermement la rose blanche que j'ai apportée, la serre contre mon torse et essaie de respirer profondément. Je ne lui pardonnerai jamais et je ne l'oublierai jamais, mais je peux enfin être en paix avec elle.

La stèle en marbre noir est voisine de celle de ma grand-mère, et Megan y dépose un petit bouquet de fleurs sans un mot. Je trace des yeux les contours des lettres gravées sur la tombe de ma mère et des larmes me picotent bientôt les yeux.

Je me laisse tomber à genoux devant la tombe et laisse les larmes qui en ont besoin couler, puis je dépose la rose. La blancheur de la fleur contraste avec le marbre noir, comme l'innocence de mon enfance contrastait avec la sexualité précoce de ma mère.

Même aujourd'hui, ça continue de la poursuivre. Dans la vie comme dans la mort.

— On est en paix maintenant, maman, je murmure doucement dans le vent. Peu importe ce qui t'a amenée jusque-là, je suis heureux que tu t'en sois éloignée aujourd'hui. Je suis désolé de ne pas t'avoir suffi. Ou peut-être que j'étais en trop. Je ne saurai jamais. J'espère seulement que tu es en paix aujourd'hui. Et je... je t'aime.

Il y aurait tellement plus à dire. Je pourrais hurler sur la tombe, lui crier dessus si je le voulais vraiment, mais ça ne changerait rien. Ça ne la ramènerait pas. La détester ne changera rien au passé, et je l'ai enfin compris. La détester n'effacera rien.

Je me relève et plonge dans les yeux bleus de Megan. Elle me prend fermement la main et je la suis pour quitter le cimetière. Je disais que je ne retournerais jamais à San Francisco. J'ai toujours su que j'y serais obligé, et aujourd'hui c'est fait. À présent, je n'aurai plus jamais à revenir ici. Je n'ai plus à regarder en arrière. Je peux marcher vers la fac l'esprit tranquille et ne plus avoir à retourner sur mes pas.

Je peux regarder tous les jours les yeux bleus de la fille que j'aime, et vivre la vie dont j'ai toujours rêvé.


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