Abysse | n.jin

02.

Au moment où il sortit de la voiture, sa peau frémit à cause de la brise. Elle était froide et se glissa sous son pull. Un frisson remonta sa colonne et instinctivement, Seokjin croisa les bras pour se tenir un peu plus chaud. Lorsqu'il se rendit compte que c'était inutile, il laissa simplement ses mains retomber.

Seokjin leva la tête vers la façade. Il suivit du regard le lierre qui s'agrippait au bord des fenêtres, comme si la plante luttait pour atteindre le sommet. Sans enthousiasme, il saisit sa valise dans le coffre ouvert par sa mère et il traina son bagage jusqu'à l'entrée. Seokjin le posa sur porche alors que la femme, qui l'avait suivit en silence, pressa la sonnette avec son index. Quelques courtes secondes passèrent avant qu'un homme ne vienne leur ouvrir. Il avait la cinquantaine, mais ses cheveux entièrement gris lui donnait l'air encore plus vieux. Son visage et son accoutrement n'avaient rien de spécial; il semblait avoir vécu une vie bien remplie, sobre et rangée. Seokjin n'avait pas revu son oncle depuis l'été dernier, soit une année entière, et il n'avait tout bonnement pas changé.

« Bonjour Chinsun, et bonjour Seokjin. »

La femme s'inclina rapidement. Quant à Seokjin, il ne répondit strictement rien et ne bougea pas. Son oncle sourit tout de même, peu dérangé par son manque de réaction. Il invita les nouveaux venus à entrer mais la femme, qu'il avait appelé Chinsun, refusa poliment.

« J'ai encore quelques heures de route à faire, je n'ai pas le temps pour un café, désolé, précisa-t-elle. »

L'oncle hocha la tête, signe qu'il comprenait parfaitement. Puis la mère de Seokjin se tourna vers ce dernier. Elle lui adressa un regard que l'on devinait conciliant, comme si elle s'en voulait un peu de le laisser là mais qu'elle n'avait pas le choix.

« Passe un bon séjour chez ton oncle, et sois aimable avec lui, d'accord ? »

Le discours habituel. Seokjin acquiesça d'une manière peu convaincante et saisit sa valise avant d'entrer dans la maison en passant à côté de l'homme, sans le regarder ni le frôler. Il continua juste son chemin en direction d'une pièce bien précise, sans se retourner. Il connaissait déjà l'endroit.

Les deux adultes restés dans l'entrée se regardèrent longuement. La femme affichait une mine plus perplexe que son frère.

« Il n'a pas changé à ce que je vois, fit simplement remarquer l'oncle. »

La femme haussa les épaules; elle s'était faite à l'idée, quelque part.

« Malheureusement, non. »

Après un silence, ils se dirent au revoir et chacun partit de son côté. L'un dans la voiture, qui démarra dans un vrombissement terrible, et l'autre dans la maison.

De son côté, Seokjin avait gravit les escaliers et posé sa valise à l'entrée de la chambre d'ami, où il avait l'habitude de séjourner à chacune de ses visites. Par habitude, il se dirigea vers la fenêtre mais ne l'ouvrit pas. Il savait que dehors il ne faisait pas très chaud malgré le mois de juin qui s'achevait tout juste. Il y avait de la brume qui flottait au-dessus du jardin laissé à l'abandon.

Ce lieu, il l'avait toujours connu ainsi. Un ciel couvert, une atmosphère froide et du brouillard qui semblait s'infiltrer partout. La brume ne partait d'ailleurs jamais bien loin, et la fraîcheur constante ne s'améliorait que très peu lors des périodes de chaleur habituelle. Seokjin n'avait jamais saisit pourquoi, mais il imaginait que c'était à cause de l'altitude. Dans tous les cas, cet endroit était comme hors du temps. Rien ne changeait jamais, un peu comme la vie de Seokjin. Au moins, ça avait le don de l'apaiser. L'ambiance, le lieu, les circonstances, tout le poussait à se détacher de tout ce qu'il connaissait dans leur appartement en ville, où il vivait le reste de l'année. Il aimait ce silence qui ne le fatiguait pas.

Seokjin regarda plus loin que la brume, à travers les carreaux épais. Il distingua tout juste la rive du lac. Peut-être que cette fois-ci, il aura le courage de mettre fin à son existence.