12.

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Un peu nerveux malgré lui, Seokjin triturait tantôt ses doigts entre eux, tantôt le bois du dossier de la chaise, derrière laquelle il se tenait. Son index suivait les rainures du bois.

« Qui vient ? demanda-t-il sans paraître trop vif, trop concerné. »

Son oncle, qui se tenait devant l'évier et qui lui faisait donc dos, ne fut pas pressé de répondre. De ses manières habituelles, il termina d'abord de laver soigneusement les quelques pommes de terre, de les poser sur le plan de travail et d'enfin s'essuyer les mains méticuleusement. Puis il se tourna à moitié vers son neveu, sans vraiment le regarder.

« Seulement des amis à moi, ne t'en fais pas. »

Et il continua sa besogne. Seokjin aurait peut-être dû lui proposer son aide, mais il se sentait trop décontenancé pour ça. Avec ce qu'il avait vécu tout à l'heure, reprendre une existence normale lui semblait, à l'instant, perturbant. Ainsi ne prit-il même pas congé de son oncle et monta sans un mot à l'étage.

Seokjin s'enferma dans sa chambre et s'assit sur son lit. Il passa ses mains sur son visage. Machinalement, il se releva et quitta la pièce pour se rendre dans la salle d'eau de l'étage. Dans le couloir étroit, il entendait le cliquetis de la porcelaine, signe que son oncle mettait la table. Il s'enferma dans la salle de bain et entreprit de se dévêtir pour prendre une douche. Il avait besoin de réfléchir, d'être au calme.

Une fois de retour dans sa chambre et vêtu sommairement, il se coucha sur le flanc, sur les couvertures. Il ferma les yeux, certain que le sommeil ne le prendrait pas. Il repensa à la rencontre de tout à l'heure. Ainsi, l'homme du lac s'appelait Namjoon. Et il n'était pas seul.

Le mystère s'épaississait. Mais à aucun moment, Seokjin n'avait l'impression d'arriver à le démêler. C'était comme être devant un tas de pièce de puzzle, sans savoir par où commencer. Un puzzle qu'on mélangerait de temps à autre. Seokjin ne dirigeait clairement pas les événements. Il ne faisait que les subir et les endurer, en se tenant parfois au bon moment et au bon endroit en tant que spectateur. Et nul ne savait ce qui advenaient des scènes auxquelles il n'assistait pas.

Lorsque Seokjin rouvrit les yeux, il ne sut combien de temps s'était écoulé. D'abord perdu, il se redressa lentement et se mit sur ses pieds. À en juger par la lumière qui s'infiltrait dans la pièce, il ne devait pas s'être assoupi très longtemps. Convaincu de cela, il lui sembla qu'il restait sûrement quelques heures avant que les invités de son oncle n'arrivent. Ça lui laissait du temps. Ses cheveux avaient en grande partie séchés; seules les pointes étaient encore humides.

Mais alors qu'il y songeait en descendant l'escalier, des bribes de discussion lui parvinrent. Curieux, il s'aventura dans la cuisine; là, plusieurs personnes occupaient la pièce. Pour la plupart assises autour d'un verre, les autres debout, son oncle était parmi eux, et Seokjin fut décontenancé par ce tumulte inattendu. Aussi, lorsque son oncle le remarqua et s'adressa à lui, tous les regards inconnus se tournèrent dans sa direction.

« Seokjin, tu es réveillé, constata son oncle. Tu dormais à poing fermé, alors je n'ai pas osé te déranger. »

Seokjin regarda l'assemblée réunit autour de la table, rendant timidement les saluts qu'on lui adressait par politesse. Puis les adultes se détournèrent de sa personne et continuèrent à bavasser. L'adolescent resta un moment debout dans l'encadrement de la porte, à observer les visages dont aucun ne lui était familier, si ce n'est celui de son oncle, mêlé à ses semblables. Il discutait de bon cœur, à son aise parmi ses invités.

Nullement préparé à ces visites, Seokjin s'excusa et prit congé; il remonta rapidement les escaliers et s'enferma dans sa chambre, mal à l'aise. Là, il se changea pour enfiler des vêtements plus appropriés. Une fois cela fait, il s'apprêtait à passer le seuil pour se rendre au rez-de-chaussée mais juste avant de franchir la porte, il retourna ouvrir sa fenêtre; il lui semblait que l'air était lourd, et qu'un peu de fraîcheur ne lui ferait que le plus grand bien lorsqu'il reviendrait ce soir, sûrement plus tard qu'il ne le souhaitait.

Abysse  | n.jinOù les histoires vivent. Découvrez maintenant