Abysse | n.jin

05.

Assis devant le bureau d'ébène, Seokjin ne lisait même pas le livre qu'il tenait en main. Au lieu de regarder vers le bas, son visage était dirigé vers l'unique fenêtre de la pièce. Le soleil n'arrivait pas à percer les nuages cendrés. Ces derniers ne laissaient passer que de faibles rayons, tout juste suffisant pour éclairer la pièce.

Encombrée de deux immenses bibliothèques, l'espace paraissait d'autant plus restreint et bien moins lumineux. Ici, Seokjin se sentait comme confiné dans un endroit trop petit pour lui. Un peu comme dans sa vie, qu'il n'arrivait même pas à quitter.

Dehors, la brume était reine. Le lac, depuis la place qu'occupait Seokjin, n'était donc pas visible. Ce détail l'embêtait, parce qu'il aurait aimé pouvoir observer les reflets de l'eau, et peut-être, apercevoir la silhouette qui lui était apparue l'autre nuit.

Seokjin soupira, ce qui provoqua une brûlure dérangeante dans ses poumons et sa trachée. Il ne savait pas pourquoi il croyait en son existence. Tout ceci n'avait peut-être été qu'un simple rêve, une illusion, un mirage de son esprit fatigué, au bord de la mort. Il avait déjà entendu parler de ces apparitions que les mourants imaginaient parfois, de ces apparitions d'anges.

Mais au fond, il savait que ce n'était pas ça. Il n'avait ni vu un ange, ni halluciné. Car en se réveillant ce matin, dans son lit, ses vêtements étaient encore humides et ils avaient mouillés les draps. Il avait donc bel et bien été au lac cette nuit, et il avait bel et bien essayé de s'y noyer, sans succès. Ce n'était pas qu'un simple rêve. C'était réel.

Seokjin ne savait pas ce qui l'avait sorti hors de l'eau. Il avait l'apparence d'un être humain, mais il n'y avait aucun voisin dans les environs; la maison de son oncle était très à l'écart, à au moins une trentaine de minute de route du village le plus proche. Ce n'était pourtant pas ça le plus perturbant.

La personne qui l'avait sorti de l'eau y était ensuite retourné.

Son souvenir restait très net, mais Seokjin avait quand même du mal à se croire lui-même. Ça semblait surréaliste, et il revenait à croire qu'il avait halluciné, que ses yeux l'avaient dupés. Seokjin referma le bouquin qu'il tenait et le posa à plat sur le bureau. Il racla sa gorge enrouée en massant son front.

Que faire, que faire ? Devait-il y retourner, vérifier, se convaincre qu'il ne s'agissait que d'une illusion ? Peut-être bien, après tout rien ne l'en empêchait. Il n'avait rien de mieux à faire qu'élucider ce mystère.

Cette nuit, il ira donc à nouveau se promener sur les rivages du lac. Pour mettre tout ceci au clair. Peut-être que cette chose l'y attendait. Ou peut-être que rien n'allait se montrer, parce qu'il n'y avait rien à voir.