Abysse | n.jin

10.

Lorsque Seokjin eut descendu les marches d'un pas penaud, il s'engouffra dans la cuisine où son oncle était assis à table, son habituel journal entre les mains. Sa tasse fumait devant lui et une odeur de café flottait dans l'air tiède de la pièce.

Seokjin ne vint pas s'asseoir tout de suite. Il alla d'abord vers le plan de travail dans l'idée de se préparer un thé, car il ne se sentait pas de boire autre chose que ça. Sa nuit n'avait été ni bonne ni mauvaise. Ça faisait deux jours qu'il n'était pas sorti, depuis son escapade dans le jardin et ce qui était arrivé devant le cabanon. Ses égratignures guérissaient vite.

En s'appuyant contre le plan de travail froid, il jeta un coup d'œil à l'extérieur, par-delà les carreaux de la vitre embuée qui donnait droit sur le gazon et plus loin encore, le lac. Dehors, il faisait déjà jour. Sans entrain, Seokjin recentra son attention sur la bouilloire qui sifflait.

Il entendit son oncle tourner une page de son journal, unique son dans le silence de la cuisine. Ce fut à peine s'il entendait également le tintement de la porcelaine contre la sous-tasse. Finalement, Seokjin vint s'asseoir avec son thé. Il s'installa en face de son oncle, qui ne le regarda pas, trop concentré dans sa lecture matinale.

Le garçon prit deux carrés dans le sucrier, les plongea dans le thé et observa l'eau fumante, écrasant sans bruit les cristaux au fond de sa tasse avec sa cuillère. Le coude sur la table, il n'avait pas l'impression de penser à quoi que ce soit. La vapeur l'empêchait de garder les yeux ouverts et il les maintenait alors à demi-clos, mais il continuait à fixer le petit tourbillon dans sa tasse de thé.

La sonnette déchira soudainement l'atmosphère engourdie. Seokjin sursauta parce qu'il venait d'être arraché au silence. Il leva les yeux et vit son oncle poser tranquillement le journal devant lui avant de se lever prestement. Lui aussi parut surpris. Très peu étaient les visiteurs à passer dans le coin. D'autant plus que son oncle n'attendait personne, surtout pas aussi tôt. Ou alors, il n'en avait pas informé Seokjin.

L'adolescent suivit du regard son oncle, qui quitta la cuisine pour aller ouvrir. Néanmoins, il ne se leva pas à son tour pour savoir qui venait les importuner, même s'il en était très curieux. À la place, il se contenta de tendre l'oreille, espérant percevoir assez de chose pour satisfaire son indiscrétion. Il entendit presque parfaitement la discussion qui eut lieu sur le palier.

Il comprit que le visiteur était en réalité deux. Ils menaient l'échange, et ils posaient visiblement plusieurs questions. Son oncle répondait sur un ton calme, affirmant qu'il ne savait point, qu'il ne connaissait pas cette fille qu'ils cherchaient. Puis, s'ensuivit des remerciements, l'un des visiteurs ajouta que s'il se souvenait de quoi que ce soit, il pouvait les appeler. D'autres remerciements, des adieux polis, et ils furent loin.

Lorsque Seokjin entendit les pas de son oncle dans le couloir, il refit correctement face à sa tasse de thé. Ses yeux se fixèrent sur le journal en face, faisant mine de lire, même si c'était à l'envers. Ses yeux passèrent sur les mots sans en saisir la gravité ni le sens. Son oncle se rassit, récupéra son journal et Seokjin sirota son thé sans paraître préoccupé ni intrigué.

Le silence se fit très discret entre eux. L'homme termina le fond de son café et plia son journal, qu'il posa sur le coin de la table. Puis, il se leva difficilement et s'adressa à son neveu du même ton habituel.

« Je serai dans le cabanon si tu me cherches, mais c'est mieux si tu restes à l'intérieur. »

[...]

Aux pieds de trois coteaux habillés de sapins

Gît un lac profond, clair et sage,