Abysse | n.jin

18.

Les jours passaient, et l'opportunité ne se présentait pas.

Seokjin ne cessait de guetter son oncle et de compter les secondes, essayant vainement de trouver le timing parfait. Mais l'homme grisonnant ne s'absentait jamais longtemps. Il restait toujours dans les parages. Dans l'attente, Seokjin avait finit par se convaincre que l'une des deux clés devaient être la bonne. La seconde, il se doutait qu'elle ouvrait peut-être le cabanon mais pour le moment, il s'en fichait. Ce n'était pas là-bas qu'il voulait aller.

Le placard de la cuisine était son seul objectif, sa seule vraie piste.

Dans l'espoir de trouver le bon moment pour s'y rendre, Seokjin avait diminué ses sorties en extérieur. Il s'éclipsait toujours de temps à autre pour retrouver Namjoon sur la plage de sable grossier, mais pour surveiller les faits et gestes de son oncle il lui fallait très souvent passer son temps à l'intérieur comme il le faisait les années précédentes. Seokjin apportait des biscuits à l'homme du lac pour se faire pardonner de ses absences répétées, car même Namjoon avait constaté qu'il venait moins souvent. Il l'avait montré par des moues déçues et mêmes quelques plaintes timides. C'était aussi pour ça que Seokjin était pressé de revoir ce qu'il y avait dans cette étrange pièce; les vacances s'écourtaient et le mystère demeurait.

Il fallait qu'il le perce avant que sa mère ne revienne le chercher. Il le fallait absolument.

L'occasion se présenta enfin un début d'après-midi, totalement par hasard et sans que rien ne puisse le prédire. En rangeant la vaisselle après le repas, Seokjin vit du coin de l'oeil son oncle saisir sa veste posée sur le dos d'une chaise avant de ramasser les clés de son véhicule.

« Je vais en ville, annonça l'homme. »

Il allait sortir de la cuisine lorsque Seokjin fit un mouvement un peu brusque, comme s'il avait voulut parler avant de se rétracter. Son oncle le regarda alors, interrogateur. Prit de court, Seokjin ne sut pas quoi dire. Il avait réagi sans se contrôler.

« Tu as besoin de quelque chose en ville ?

– Hum, je... des biscuits, lâcha Seokjin. »

Son oncle sembla un peu étonné l'espace d'un instant. La demande semblait si anodine.

« Très bien, j'en achèterai. »

Un court silence flotta, après quoi l'homme s'éclipsa. Seokjin demeura planté là, à tendre l'oreille pour entendre la porte d'entrée claquer, le moteur de la voiture démarrer suivit du crissement des pneus sur le gravier, puis le silence total et habituel de la maison. Pendant un moment de flottement, Seokjin ne sut plus ce qu'il faisait ni ce qu'il devait faire. Il en oublia presque l'occasion qui se présentait à lui si gracieusement. C'était le moment ou jamais.

Seokjin laissa tout en plan pour aller à l'étage. Il grimpa les marches deux par deux comme s'il avait le diable à ses trousses, alors qu'il n'avait jamais eu autant de temps à disposition. Il ne se préoccupa ni du plancher qui grince, ni d'entrer dans une pièce où il n'avait pas vraiment l'autorisation d'aller. Il alla directement chercher le trousseau dans le tiroir du bureau. Les clés n'avaient pas bougés. Seokjin les prit et redescendit avec le coeur battant à tout rompre. La sensation de braver un interdit lui collait à la peau à présent; une sensation grisante. Devant le placard fermé, il testa directement la vieille clé. Sans savoir pourquoi, il s'attendait à ce que la porte ne s'ouvre pas, que la clé bloque dans la serrure et que l'aventure s'arrête là. A la place, la voie s'ouvrit sans encombre. La porte fut poussée. Le même couloir se dressa devant lui.

Mais Seokjin n'avança pas, prit de doutes. Jusque-là, il avait imaginé en boucle ce moment, mais il n'avait jamais songé à ce qu'il ferait exactement une fois passé ce seuil, comme si les limites de son imagination s'arrêtait là. A cette porte.