Abysse | n.jin

15.

Des tombes.

Seokjin y pensa durant de longs instants en se réveillant dans son lit le matin suivant. Il lui semblait l'avoir su dès l'instant où il avait vu ces tas de cailloux, sans parvenir pour autant à y mettre un mot précis. Ce pouvait être des tombes. Mais de qui ?

Il faisait froid dans la chambre. Seokjin passa ses mains sur son visage, sur sa peau fatiguée et son front soucieux. Il avait froid, il lui fallait une douche d'eau chaude pour tout chasser et se remettre à neuf. Comme une remise à zéro.

Après sa douche, Seokjin descendit au rez-de-chaussée pour le petit-déjeuner. Il ne vit pas son oncle dans la cuisine ni dans le salon. Peut-être dormait-il encore ? L'adolescent eut des doutes, car son oncle se levait toujours avant lui. Seokjin se servit un thé machinalement, décidant que ce jour-là, il ne ferait rien de dangereux comme la veille. Emmener Namjoon dans sa chambre avait été une mésaventure qu'il n'était pas près de retenter tout de suite. Non, il irait simplement revoir les tombes s'il en avait l'occasion et trouver Namjoon pour essayer de tirer quelque chose de lui. S'il parvenait à dénicher une autre rive plus discrète que celle près de la maison, il pourrait interagir plus aisément avec lui. Il avait bien assez tenté le diable.

Seokjin termina son thé, posa sa tasse dans l'évier et sortit dans le couloir, dans lequel il jeta un coup d'oeil à gauche et à droite. Personne. Toujours pas d'oncle en vue. Où pouvait-il donc être ? Dans son cabanon ? Ou serait-il parti en ville très tôt, sans le prévenir ? Ça n'était pas dans ses habitudes. Seokjin se chaussa et enfila rapidement sa veste avant de sortir discrètement par la porte de derrière. Dehors, il faisait encore assez frais et il dut remonter la fermeture éclaire de son habit jusqu'au menton. Il traversa le jardin en friche et la silhouette du cabanon se dessina dans la brume matinale, droit devant lui. Il s'approcha le pas léger et essaya, inconsciemment, de repérer le chemin qu'il avait emprunté la veille. Quelque chose d'autre attira son regard et le rendit curieux, voire même perplexe; la porte du cabanon était entrouverte. Le cadenas pendouillait contre le bois et n'entravait plus le chemin.

Seokjin approcha, prêt à tendre la main pour pousser la porte et regarder à l'intérieur, mais la silhouette de son oncle surgit soudain dans l'encadrement. L'homme referma derrière lui.

« Ah Seokjin, dit-il, visiblement surpris; il tourna une petite clé dans le cadenas, condamnant à nouveau le passage, avant de se tourner vers son neveu. Tu t'es levé tôt aujourd'hui. Tu voulais me demander quelque chose ? »

Seokjin regarda ses mains abimées qu'il frottait entre elles. Il devait avoir déplacé des outils lourds ou encombrants pour qu'elles soient dans cet état.

« Non, rien, assura Seokjin. Je voulais juste aller faire un tour. »

Son oncle acquiesça, mais il interrompit son neveu lorsque ce dernier fit un mouvement pour repartir de son côté.

« Je vais en ville aujourd'hui, dit-il. Tu peux m'accompagner si tu le souhaites. Si je ne me trompe pas, tu voulais bien aller à la libraire, c'est ça ?

– Euh, marmonna Seokjin, assez pris de court. Oui, pourquoi pas... »

Son oncle acquiesça encore. Il esquissa un sourire poli et neutre.

« J'aimerais y aller avant midi, alors tu ferais mieux d'aller te préparer, dit-il. »

[...]

Seokjin ne s'était jamais arrêté dans cette petite ville. Quand sa mère l'emmenait chaque été dans la maison de son oncle, ils ne faisaient qu'y passer. Seokjin n'avait pas non plus été très attentif au paysage quand ils la traversaient; il ne connaissait donc pas assez l'endroit pour s'y promener tout seul. Cependant, son oncle le déposa devant une librairie dont il disait connaître la gérante, une amie à lui, et il lui décrivit en détail le chemin de la bibliothèque dans le cas où il ferait plus long que prévu. Ils se donnèrent rendez-vous devant cette même bibliothèque, dans une heure environ.