Endolorie

163 19 3
                                    

Harley dans la salle de bain de la prison fixait son reflet dans une flaque d'eau. Il n'y avait pas de miroir dans cette grande pièce sombre et la lumière était très faible.

Ses traits se déformaient dans l'eau, semblaient comme flotter, venus d'une dimension parallèle, d'un univers inconnu. Un lieu ignoré de tous aux milles et une couleurs de la folie. Un monde dessiné par les plus grands peintres abstraits du vingtième siècle. Une utopie irréelle mais pourtant belle et bien présente dans ses rêves.

Mais ce n'était pas ces songes qui intéressaient la jolie blonde.

Elle contemplait son visage tuméfié et abîmé par sa récente « thérapie ». Elle frôlait de ses doigts le contours de sa mâchoire fine, noire d'hématomes. Ses lèvres étaient rouges comme habituellement mais c'était le sang qu'elle avait craché qui leur donnait cette couleur. Une couleur qu'elle aimait tant.

Ses jolis yeux bleus étaient soulignés de longues cernes qui contrastaient parfaitement avec sa peau pâle, ses joues creusées lui enlevaient ce charme enfantin qu'elle arborait si joyeusement autrefois. Son sourire immortel et en contrariété avec ses blessures lui enlevait le peu d'humanité qui restait sur son visage.

Sa haine était visible sur son regard profondément blessé : Une femme normale se demanderait si elle survivrait à cette torture sans fin. Elle se demanderait si elle arriverait un jour à se remettre de ces blessure, à se débarrasser de ses cauchemars. Une femme normale aurait peur pour sa santé, son avenir.

Mais Harley n'était pas une femme normale. Son cœur battait en harmonie avec la cruauté et la terreur que l'humanité avait accumulées depuis déjà plusieurs centaines d'années. Elle portait en elle la marque d'une communauté bien trop superficielle.

Elle s'inquiétait : Et si son Joker ne voulait plus d'elle dans un état si pitoyable ? Et si il la rejetait parce que son beau visage n'était plus si beau que ça ?

Non. Impensable. Impossible.

Elle se redressa et toussa légèrement. Sa gorge était en feu, à force d'avoir trop hurlé. Alors elle essuya le sang qui dégoulinait de sa bouche et se força à tenir debout, toujours le même sourire abruti accroché à la face.

« Allez bouge, beauté ! »

Elle sursauta et cacha sa nudité, soudainement pudique face au chef des gardien qui la reluquait avec avidité. Il s'approcha en souriant de malice et elle recula.

« T'as pas le droit d'être là mon chou, réussit-elle à dire en articulant exagérément.

-Ah bon ? Qu'est ce qui te dit ça ? »

Elle cherchait la répartie, le courage de répondre qui l'animait normalement mais elle ne trouva rien. Qu'un vide intersidéral.

« Vas-t'en.

-C'est pas toi qui donne les ordres, ici, murmura l'homme à son oreille.

-Vas-t'en » insista-t-elle.

Il se rapprocha un peu plus, frôlant l'indécence et elle, elle se colla au mur, en tremblant violemment. Il finit par lui tendre une serviette et rit avec méchanceté puis recula.

« Tu ne me remercies pas, beauté ?

-Y'a que les gens intelligents qui méritent la politesse. »

Elle s'enveloppa rapidement du tissus absorbant et reprit contenance face à l'homme. Elle était faible, certes, mais sa folie restait intacte et reprenait un peu plus le dessus. Pendant un instant, Harley avait failli redevenir Harleen. Mais cette instant n'avait duré que deux secondes.

« Pardon ? » Il se rapprocha d'elle plus menaçant que jamais. Elle explosa de rire devant la puérilité de son gardien. Elle venait de lui dire que la politesse n'était destinée qu'aux gens intelligents et la réponse de l'homme contenait explicitement de la politesse

« T'es complètement con, hein ? »

Elle redoubla de rire et il la plaqua au mur en serrant avec forces ses petits bras fins. Elle se cogna la tête puis ricana encore et encore. Elle n'avait pas peur. Son poussin la vengerait de toute manière.

« Et tu vas faire quoi, là ?! Rétorqua-t-elle.

-A toi de me dire... » Il caressa son cou, la naissance de sa poitrine avec une délicatesse qui n'en n'était pas une. Elle sourit et grinça des dents/ « Tu en rêves, n'est-ce pas ?

-Ta gueule.

-Tu m'auras pas, sale chien.

-Ça t'en sais rien.

-Le comble ce serait que tu te retrouve en prison pour viol. »

Elle explosa à nouveau de rire et il la lâcha, se détourna pour sortir. Elle continua de rire sans retenue, à en avoir mal au ventre. Elle tomba accroupie au sol.

Puis sans que rien ne l'y prépare, ses rires se transformèrent en sanglots incontrôlés. Elle tapa du poing plusieurs fois, furieuse et triste.

Endolorie.

FolieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant