Paranoia (2)

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Claire apparut sur le seuil de la porte, souriante comme à son habitude.
Voyant mon teint blême elle sentit tout de suite que quelque chose n'allait pas.
- Euh il se passe quoi là ? J'ai raté un épisode ?
- Claire je vais d'abord m'assoir et t'expliquer ensuite.
Je lui relatai l'événement en essayant de garder mon calme. La douche, le sèche cheveux, la panne de courant.
- Écoute Jonathan je suis désolé, j'ai été très négligente. Je me suis effectivement douché hier et j'ai utilisé ton sèche cheveux. J'ai tout simplement oublié de le ranger.
- Tout simplement comme tu dit !
- Mais que veux tu que je dise d'autre ?
- J'ai failli y rester ! Permet moi d'être un peu stressé.
- Mais tu es sain et sauf au final, alors n'en fait pas toute une histoire s'il te plaît !
Elle avait soudainement haussé la voix.
Le ton était sec, cinglant, et quant à son regard, sa sévérité n'avait d'égal que sa noirceur subite.
Je n'avais pas l'habitude qu'on me parle sur ce ton. J'essayai de reprendre le dessus dans cette discussion dont la tournure commençait à m'intriguer.
- Explique moi plutôt comment je me suis retrouvé dans le noir.
- Pardon ?
J'explosai littéralement.
- Écoute moi bien, j'étais à poils, couvert de savon et dans le noir, avec un sèche cheveux qui à faillit me tomber dessus ! Tu veux que je te fasse un dessin ? Alors s'il te plaît répond moi !
Je ne pouvais pas contenir ma colère. Alors que je m'attendais à une réplique cinglante, je compris qu'elle essayait de calmer le jeux, mais en me répondant de façon inattendue. Et sur un ton soudainement redevenu calme et posé.
- Dits moi Jonathan est-ce de cette façon dont tu traites tes collaborateurs ?
Cette phrase me laissa sans voix.
- Mais de quoi te mêle tu ? et surtout quel rapport ?
Un silence malsain envahit soudain le salon.
Nous nous fixâmes du regard.
- Excuse moi, tu a raison ça n'est pas mes oignons.
- Tu n'a pas répondu à ma question.
- Le noir ?
- Précisément.
Mais à quoi joue t'elle ?
- J'étais sortie lorsque tu t'es retrouvé dans le noir, rappelle toi.
- Effectivement.
- Tu n'a pas l'air convaincu.
Je ne l'étais pas bien sur. Et toujours ces deux billes bleu acier qui me fixaient.
Cette fille me faisait perdre ma lucidité. Il me fallait absolument prendre du recul sur les événements.
En deux minutes j'avais enfilé un pantalon et une chemise.
- Que fais tu, me demanda t-elle ?
- Prendre l'air, réfléchir. Je sort faire un tour.
- Revient vite nous devons nous préparer pour demain.
- Plus tard Claire, répondis-je, avant de claquer la porte dernière moi.

Une fois dehors je trouvai rapidement une brasserie. Confortablement installé je fermai les yeux pour me recentrer sur le moment présent et faire baisser mon niveau de stress. Le café achevait de me donner ce petit coup de peps attendu.
Ces derniers événements m'avaient profondément troublés. Au delà des circonstances, c'était également le comportement de Claire, un peu ambigu, qui me préoccupait à cet instant.
Et pour autant que pouvais-je lui reprocher ? A la simple lecture des faits, j'étais en danger et elle voulait m'aider. On peut très bien oublier un sèche cheveux dans une salle de bain, même branché, sans faire de vous une ... meurtrière. Ça y est, j'avais prononcé consciemment ce mot.
J'avais quand même constaté une certaine agressivité. Et surtout ce regard. Ce qui m'avait séduit quelques semaines auparavant me rendait mal à l'aise. J'en avais presque peur.
Si j'étais un peu parano je pourrais également penser que la coupure de courant n'était peut être pas le fruit du hasard.

Mon esprit moulinait à cent à l'heure. Je parcourus du regard la clientèle de la brasserie. Chacun dans sa bulle. Deux hommes à ma gauche discutaient âprement des résultats du match de football Metz Lyon d'hier soir, et une dame âgée, avec un chapeau noir, sirotait sa tasse de thé avec beaucoup de de délicatesse, le petit doigt au garde à vous.

Mais je me sentais observé depuis un moment déjà . Mon regard se tourna machinalement sur la gauche vers la terrasse vitrée. Un homme me fixait. Ces yeux ne bougeaient pas, ils étaient rivés sur les miens. Ce petit jeux dura un moment.
C'était un homme grand, plutôt élégant, costume sombre, les traits fins, avec de petites lunettes rondes. Il buvait un thé, un cahier posé sur sa table il semblait prendre des notes. Je le vis faire signe de la main au serveur pour régler sa note, et se leva. Il était très grand et longiligne dans son pardessus beige.
Au moment de partir il prit son stylo, griffonna quelque chose sur son cahier, et déchira la feuille de son cahier à spirale, ce qui fit, d'ailleurs, sursauter la vieille dame au chapeau noir assise à proximité.

Au moment de partir, la main sur le poignée de la porte, il se tourna une dernière fois vers moi. Nous nous fixâmes plusieurs secondes. Il voulait me faire comprendre quelque chose. Je le vis franchir  le seuil de la porte et disparaître.
Il avait oublié la feuille déchirée. Étais-ce intentionnel ? Mon petit doigt me disait que je devais la récupérer, rapidement avant que le serveur ne vienne desservir la table.
Après avoir réglé ma consommation, je me levai et, discrètement, en passant devant sa table, je glissai la feuille dans ma veste.
Dehors j'attendis d'être à une certaine distance pour bifurquer vers la première ruelle.
Adossé au mur, tout en dépliant la feuille je retins mon souffle. L'écriture était hachée et ressemblait à des gribouillis.
Le message était, lui, sans ambiguïté.
"Méfier vous de CLAIRE"

Bleu acierOù les histoires vivent. Découvrez maintenant