La vérité en face

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Au chevet de mon père le lendemain matin, nous nous recueillions ma mère et moi dans le funérarium de la ville. Claire m'avait gentiment envoyé un texto de soutient. J'avais dû partir précipitamment, la laissant ainsi, son jus d'orange à la main.

Les funérailles achevèrent ce long processus qui avait ponctué notre quotidien ma mère et moi depuis presque un mois. Mon père aurait eu 85 ans le mois prochain. J'étais triste, pour autant aucune larme ne coulèrent.
Mon père et moi avions eu des relations très conflictuelles. Je jugeai avec beaucoup de sévérité son addiction aux jeux qui avait fait basculer sa vie et celle de ma mère. J'étais encore enfant quand j'assistais à la maison à de vraies scènes de ménage. Ça criait de partout, ma mère hurlant lorsque mon père rentrait en pleine nuit, parti depuis le matin jouer dans des cercles.

Le soir, nous nous retrouvâmes avec des proches dans un café près du cimetière pour évoquer les souvenirs que nous avions en commun.
Mon père était fils unique, il avait une Tante qui avait fait le déplacement. Avec quelques cousins et cousines, et les amis du quartier, la tablée ne dépassait pas la dizaine de personnes.
Je restai silencieux à écouter.

Nous restâmes avec ma mère tous les deux pour finir la soirée.
- Je te trouve bien silencieux, se risquait-elle.
- As-tu besoin d'argent maman ?
- Non Jonathan, j'ai mis de côté ce que tu m'as déjà donné depuis quelques temps.
- Tu ne pense pas qu'il est maintenant temps de faire la paix avec ton père ?
- Tu m'en demande beaucoup. Regarde comme il t'a fait souffrir !
- Mais cela ne regarde que moi ! Comment te le faire comprendre ? Nous avons toujours essayé de te préserver de nos problèmes et t'éduquer le mieux possible avec amour et affection. Nos rapports entre ton père et moi étaient parfois houleux et nous n'avions pas beaucoup d'argent, mais qu'importe, cela ne faisait pas de nous des gens malheureux !
J'étais ulcéré par des propos si complaisant.
- Qu'importe ? Comment peux-tu dire ça ! Papa devait régulièrement appeler la banque car ne nous ne pouvions pas boucler les fins de mois. Nous croulions sous les dettes et il devait se justifier à genoux devant le banquier pour le convaincre de ne pas fermer notre compte. Je me souviens, comme si c'était hier, des hurlements quand il rentrait de ses parties de cartes. D'une certaine manière il a abusé de toi en dilapidant l'argent du ménage. Jamais je ne pourrais lui pardonner ce comportement.
- Jonathan, ton père t'aimait plus que tout au monde. Et il te l'a prouvé sur la fin comme tu le sais.
C'en était trop pour moi. Je me levai et partis du café sans me retourner.

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