Chapitre 12 :

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            Qu'est-ce qui pouvait bien le retenir aussi longtemps ?! J'attendais depuis un quart d'heure déjà qu'il daigne mettre un pied hors de sa maison. Ce matin il n'y avait pas grand monde dans les rues, personne de tenait à braver les crocs du froid. J'observais le nuage de buée se former devant ma bouche à chaque expiration, j'avais l'impression de souffler de la fumée tel un dragon céleste. Un grincement m'apprit que ma patience n'était plus sollicitée au bureau cérébral, mon expression changea, la malice avait besoin de se manifester. L'adolescent franchit son portail complètement absorbé dans l'observation d'une benne à ordure mise sans dessus dessous par l'action probable d'un petit vandale. Il ne m'avait pas repéré. Cachée derrière le muret des voisins, j'avais méticuleusement fait en sorte d'être invisible. Une petite surprise matinale réchauffait toujours le cœur.

-Bouh ! Lançai-je, avec enthousiasme, j'attrapai l'épaule du garçon un instant après.

Il sursauta si brusquement que je crus momentanément que son âme cherchait à s'échapper de son enveloppe charnelle dans un acte désespéré. Sam se retourna, ses yeux bleus ronds de frayeur.

-Oh aller, ne panique pas de cette façon, je n'allais pas te tuer ! M'exclamai-je amusé de constater de l'effet radical de mon entreprise.

Son regard noir sembla m'indiquer à quel point il ne s'amusait pas. Je haussai les yeux au ciel, quel rabat joie !

-Tu pourrais au moins attendre les gens comme tout le monde, railla-t-il mécontent.

Je croisais les bras devant ma poitrine.

-Qu'est-ce que tu insinues ? Que je ne suis pas normale car je n'agis pas comme un mouton ?

Le garçon grimaça, gêné, il savait tout comme moi que si je ne correspondais pas à la norme, lui non plus n'en faisait pas parti. Après un long soupir il se résolut à marmonner une réponse.

-Si jamais je te disais ça, cela concernerait sûrement d'autres de tes occupations.

Il avait raison, on pouvait se poser de nombreuses questions au sujet de mes occupations nocturnes, mais ce n'était pas aujourd'hui qu'il en saurait plus.

-De toute façon, c'est ici l'hôpital qui se moque de la charité petit monstre, rétorquai-je assez condescendante.

Sam baissa la tête, c'était un brave jeune homme qui comprenait bien vite mes intentions. Je souris avant de lui tapoter le bras d'un geste encourageant.

-Et si on se mettait en route, je n'ai pas envie de remplir un des bulletins ridicules pour justifier un retard, ajoutai-je après cet épisode silencieux.

Á l'évidence je le mettais plus que mal à l'aise, ce qui au vue des circonstances n'avait rien de surprenant. Un conseil, n'essayez pas de vous faire des amis en menaçant ceux de ces derniers, cette méthode est vouée à l'échec, j'en suis la preuve vivante. Par contre si vous souhaitez intimider un ennemie c'est un moyen relativement efficace.

Le chemin jusqu'au lycée fut long, très long. Pas à cause de la durée réelle mais à cause du silence de mon camarade, qui rendait sa tension palpable. Edward ne devait pas le rejoindre ce matin, j'avais choisi précisément cette matinée pour être seule en sa compagnie. Nous avions tant de choses à nous dire et pourtant pas un mot ne sortait de nos bouches, personne n'osait s'aventurer sur le chemin sinueux des questions. 

Heureusement, ce calvaire prit fin pour Sam à l'approche du lycée, le brouhaha des adolescents s'élevait depuis la cour du bâtiment central. Sans prêter attention à moi, le jeune homme se dirigea vers le portail. Je le suivais de près dans les couloirs de l'établissement. Je connaissais les plans sur le bout des doigts, pas de soucis de se perdre, cependant montrer une vulnérabilité en paraissant quelque peu perdue lors des premiers jours avaient l'avantage d'attendrir le cœur de mon entourage. Ils ne s'attendraient jamais à ce qu'une impitoyable tigresse bondisse hors de moi pour ôter la lueur scintillante de vie de leurs yeux. Installé devant son casier, Edward s'attelait à trier les livres dont il avait besoin pour la journée. Il nous accorda un sourire à notre arrivée.

MétamorphoseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant