Chapitre 38 :

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De grands entrepôt désaffectés se tenaient au milieu d'une aire industrielle déserte. La délocalisation des manufactures de produits électroménagers avait frappé. Lorsque la ville s'était centrée sur les services et les études, les universités et centres de recherche avaient remplacé les industries. Par endroit, les bâtiments désaffectés étaient laissés à l'abandon.

Ils m'attendaient là, quelque part. J'allais au devant de la mort. Mon coeur tambourinait dans ma poitrine. J'avais opté pour reprendre mon apparence humaine pour économiser de l'énergie. Mes transformations m'épuisaient physiquement. J'avais tenu deux heures lorsque Sonya m'avait demandé de résister à l'instinct modifiant mon apparence. La douleur avait été insupportable et j'avais fini épuisé lorsqu'enfin j'étais redevenu humain. Je devais donc me ménager pour ne pas succomber au premier moment où j'aurais besoin de puiser dans mes ressources. Cependant je me retrouvais privé de mes sens surdéveloppés. Je me sentais si vulnérable face à ce désert sensoriel.

J'avais localisé précisément le bâtiment dans lequel les ravisseurs d'Edward étaient entrés avec leur véhicule. Il ne me manquait plus qu'à me jeter dans la gueule du loup.

Je prenais mon courage à deux mains, et me dégageais des bordures boisées pour prendre place sur la route abîmée qui menait aux ruines d'un passé glorieux. Il pleuvait toujours légèrement, une bruine humidifiait la région. Malgré tout, à ma grande surprise la tempête n'avait pas duré. Les nuages avaient fait place à quelques espaces de ciel bleu. Le soleil rayonnait, frappant la terre de sa lumière divine.

Je me tenais droit, face à l'entrepôt. Le monde avait cette façon bien sympathique de se moquer de vous. Soleil et pluie, le résultat n'était autre qu'un arc-en-ciel imposant au-dessus du bâtiment dans lequel j'allais pénétrer. J'aurais pu dire que la situation était belle. Tout ce qui s'était passé au cours de ces derniers mois, tout n'était qu'une mise en place pour ce grand final. Et là, à ce moment précis, tout venait de s'engrener. Intense. Émotionnel. Navrant. C'était le moment de rompre cette magie !

Je prenais un pas de plus en direction du bâtiment. La porte, gueule de monstre béante, prête à m'engloutir, m'attendait ouverte. Une entrée sombre et insalubre dans laquelle je m'engageais pour découvrir des couloirs à l'abandon, tagué d'une bout à l'autre par les rebelles du coin.

Un endroit où je n'aurais jamais mis les pieds si j'avais eu le choix. Mais je n'avais plus le choix. Bien évidemment, j'aurais pu attendre que l'Organisation intervienne à ma place. J'aurais pu accepter d'être lâche un jour de plus. Je n'avais plus envie de m'aveugler ainsi.

Je continuai à progresser dans les ruines sans être sûr d'où viendraient les pièges. Ma seule arme, un couteau de chasse à la lame resplendissante. Jamais l'arme n'avait été teintée de sang, rien pour la ternir et l'abîmer. J'étais encore innocent. Pour combien de temps encore ?

Un carrefour rassemblait plusieurs voies à présent. Aucune indication sonore. Rien pour m'aider à prendre une décision. Rien jusqu'à ce que je perçoive une trace qui semblait plus fraiche que les autres. Droit devant, toujours droit devant !

J'accélérai le pas, anxieux d'être dans un dédale inconnu, priant de ne pas rencontrer le Minotaure alors que j'allais volontairement droit sur lui. Au bout de plusieurs minutes je fis face à une grande porte métallique. J'apposais mon oreille contre la paroi. Ce fut un silence de glace qui me répondit. Que fabriquaient-ils dans cette pièce ? L'image du cadavre sans vie d'Edward surgit soudainement dans mon esprit, m'arrachant un haut le coeur de dégoût. Si j'avais fait tout ça pour rien ? Si Edward n'était même pas ici ? Mais je l'avais senti avant de reprendre ma forme humaine. Il devait être ici !

Je me figeai contre la porte froide, laissant le métal faire diminuer la température bouillante de mon corps. Le décompte était lancé. J'étais sur le point de commettre un acte qui changerait ma vie.

MétamorphoseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant