Le tournant d'une vie - Partie 1

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Claire entra dans le bureau de son éducateur, la mine fatiguée, les traits tirés et le regard un peu stressé. Les seules fois qu'elle était venue dans cette pièce, c'était lors de ses retenues et la dernière fois, James et Claire s'étaient embrassés après une légère dispute. L'adolescente se remémorait ce fameux soir, elle renvoyait James proche d'elle, la consolant puis elle ressentit ce baiser tendre et sensuel. Un très doux baiser. Ce type de baiser qui donne des frissons sur les bras en y repensant. James aussi était tendu voire anxieux de ce face à face. Essayant de l'éviter au maximum du regard, il lui désigna une des chaises près de son bureau tandis qu'il prenait place à la sienne

- Assieds toi, je t'en prie, fit-il d'une voix rauque

La jeune fille s'exécuta sans un mot et ne savait pas trop comment commencer. James, lui, gardait la tête baissée, un peu gêné et jetant de temps en temps quelques regards. Il n'avait pas pensé que Claire mettrait autant de temps pour venir le voir. Après la soirée au gymnase, il s'était détesté. Vraiment détesté de l'avoir fait ainsi souffrir. De l'avoir fait pleurer. Il avait passé une partie de sa nuit, seul, dans son bureau à réfléchir. Seth Austen lui avait dit de ne pas s'inquiéter et que Claire était bornée mais saurait reconnaître qu'elle avait tort. Il s'était alors surpris à penser que cela ne l'étonnait pas si Claire était là où elle en était aujourd'hui s'il suffisait de dire qu'elle était bornée et d'espérer qu'elle reconnaisse ses torts. L'éducateur était toujours dans son bureau quand, au petit matin, Daniel entra. Stupéfait, celui ci s'enquit immédiatement de la situation. Il le rassura à sa manière: avec des mots durs et sincères. James avait décidé d'appliquer ses conseils : faire son possible pour éviter sa protégée, ne pas chercher à entrer en communication, ne pas aller la voir si elle avait un quelconque problème... A demi mot, Daniel l'avait mis en garde sur les sentiments d'attachement qu'il pouvait avoir.

 James nia. Honteusement. 

Et depuis, il ne cessait d'y repenser. Il s'était beaucoup attaché à l'adolescente, et ce, dès le premier jour avec son petit air farouche. Tout l'attirait chez elle: son caractère à la fois hautain et sensible, pleine de confiance, ses longs cheveux bruns, sa petite mimique lorsqu'elle découvrait le menu du jour, ses sourires, le son de son rire.. Il pouvait continuer très longtemps ainsi. Sauf qu'il devait arrêter et que ces jours sans elle lui avaient paru une éternité. La voir malheureuse lui fendait le coeur mais il fallait qu'elle craque. Qu'elle revienne d'elle même.

Et elle là. Elle était venue vers elle. Tel un oiseau blessé. Un peu hésitante, pas sûre d'elle, elle avait attendu près de trois semaines avant de faire le premier pas. James avait d'abord refusé, ne se sentant pas prêt à la voir mais quand il s'aperçut qu'elle attendait, assise devant sa porte, il n'avait plus hésité. Cette gamine le touchait plus qu'il le fallait mais le risque était à prendre. 

Pourtant Claire n'avait pas ouvert la bouche depuis qu'ils étaient entrés dans la pièce. James se décida à entamer la conversation de façon anodine. En la taquinant un peu. Si elle était décidée à rétablir une relation entre eux, elle répondrait positivement. 

- Ne me dis pas que tu as attendu tout ce temps devant ma porte pour jouer à celui qui parlerait le dernier ? Parce que j'ai perdu du coup ! 

Claire esquissa un léger sourire et leva les yeux vers lui. Comme il lui avait manqué. Elle se demandait comment elle avait pu ne pas venir vers lui avant.

- Comme quoi je gagne toujours contre toi, renchérit l'adolescente timidement

James rit. Plus de soulagement, d'ailleurs, de voir que la jeune fille avait mordu à son trait d'humour. Il ne s'était pas trompé et il  s'en réjouissait. Voyant qu'elle avait visiblement du mal à lancer la conversation, il prit les choses en main.