Avec Thalia, on s'est installés au bistrot du coin et on a bu une limonade. Puis on a parlé. Longuement.
Thalia est parisienne. Elle est venue en vacances chez ses grands-parents. Comme elle ne sait pas trop quoi faire de ses journées, elle dessine. Énormément. Elle a passé son bac littéraire récemment, et compte passer le concours pour rentrer aux Beaux-Arts.
Elle aime mâcher des feuilles de menthe, les cafés frappés et Olympe de Gouges. Elle aime aller au théâtre pour son propre plaisir et a lu l'intégrale d'Harry Potter en anglais. Ce dernier point m'impressionne.
Puis elle m'a demandé de me présenter à mon tour. J'ai hurlé de rire intérieurement. Jaune le rire, bien entendu. Puis devant son air insistant, j'ai déclaré à toute vitesse :
- Å, vingt-sept ans, Auvergnat d'adoption mais conçu par des parents suédois. cheveux roses et chômeur professionnel. Est souvent pris pour un homosexuel à cause de la couleur inattendue de sa masse capillaire. Dialogue tout les jours avec un porcelet nommé Spouik, en espérant que ce dernier réponde un jour à ses questions existentielles. Enchanté.
Je me suis rendu alors compte que ma présentation était très bizarre. Je me suis senti con.
Mon cerveau a alors imaginé ce que Thalia pourrait bien me répondre. Des choses telles que :
"T'es trop bizarre comme mec. Tu me fais peur. Adieu."
"Wow! Je n'ai jamais rencontré une personne aussi spéciale que toi dans ma vie ! C'est dingue !"
Ou alors:
"J'ai rien compris à ce que tu viens de dire."
"Nan, en fait j'ai pas envie de discuter avec un bouseux de la campagne comme toi. Je m'ennuyais. Allez, bonne journée."
Mais je m'attendais sûrement pas à ça :
- Comment se prononce ton prénom ?
- Å.
- Eau?
- Non Å. Comme le 'o' avec le chapeau chinois. C'est un peu la même chose.
- Tu peux me l'écrire ?
J'ai écris sur une serviette en papier. Elle a lu la serviette en papier. Elle a dit :
- Eh! Mais ça n'a rien à voir !
J'ai dit oui. Puis j'ai rajouté que la vie était cruelle avec moi. Thalia a dit que c'était injuste, mais que c'était comme ça. Puis elle m'a demandé si je n'avais jamais souhaité changer de nom à ma majorité. J'ai répondu que c'était comme faire un doigt d'honneur à mes parents. Et faire un doigt d'honneur à ses parents, ça craint du cul.
Elle m'a regardé, puis elle a hoché la tête. Elle a tenté de prononcer mon prénom (correctement j'entends) encore une fois. Elle a raté. Après moult efforts soldés d'échecs, je lui ai dit :
- Tu n'as qu'à m'appeler 'a' tout court. Comme quatre-vingts dix-sept pourcents de mon entourage.
- C'est qui les trois pourcents ?
- Mes parents et un mec qui s'appelle Nemo.
- Ah d'accord.
Nous avons donc continué de parler de nos vies. Puis d'un seul coup, sans que je comprenne pourquoi, Thalia s'est mise à écrire à l'aide de stylos colorés sur une feuille cartonnée.
- Tu fais quoi là ?
- J'écris des trucs à faire avant de mourir.
- Mais pourquoi ? C'est nul la mort. Ça craint.
- C'est pour ça que je fais une liste. Pour n'avoir aucun regret. Fais-le avec moi.
Elle m'a tendu des stylos et une feuille. J'ai commencer à écrire avec beaucoup d'hésitation.
Voici à quoi ressemble la liste de Thalia :
Certains points me semblent légers. Mais venant de la part d'une gamine de dix-sept ans, ça me semble normal. Sa liste évoluera avec le temps. Mon téléphone à un appareil photo avec une qualité un peu dégueu. C'est pour ça que c'est moche. Pardon.
Voici la mienne :
C'est moins glorieux, mais c'est déjà bien
Å
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Le Carnet de Å [EN PAUSE]
General FictionAu départ, je voulais appeler ce Carnet "Journal de Bord de Å". Mais c'était trop long et un peu chiant. Å c'est moi. Jeune homme de vingt-sept ans aux cheveux roses, et également chômeur professionnel. Auvergnat d'adoption, mon confident est un co...