12/01/2017
Le moment tant attendu était enfin arrivé. Depuis cet été, j'ai accumulé assez d'argent pour me barrer jusqu'en Suède et casser la gueule à mon géniteur.
J'avais hâte de partir et c'était exactement le bon moment.
Ma mère a appelé sa famille (oui on se reparle, c'est quand-même ma mère je ne peux pas lui faire la guerre longtemps). Depuis vingt-sept ans qu'elle n'avait pas parlé à un seul membre de sa famille, la tension était plus que palpable.
Je l'avais observé en catimini, assez loin pour que je ne puisse pas entendre ce qu'elle disait, mais pas trop pour voir ses réactions. Sa main qui ne tenait pas le combiné pianotait frénétiquement sur la table de la cuisine. Lèvres pincées, visage crispé, je savais qu'elle essayait de se montrer digne et forte, même si je voyais très bien ses tremblements.
Au final, elle m'a annoncé comme si de rien n'était qu'ils pouvaient m'accueillir pendant cinq jours, et qu'ils savaient où était mon père biologique. Ensuite, si je le voulais, la famille de mon père pouvait prendre le relais. Je n'ai rien demandé de plus. Je supposais qu'elle n'avait pas envie de savoir. En même temps c'était compréhensible.
C'était le grand jour et je n'en pouvais plus de trépigner d'impatience.
Faute de moyens, qui malgré tous mes efforts n'étaient pas si conséquents, je devais prendre un bus pour me rendre jusqu'à Clermont-Ferrand. Pas la peine de préciser que les bus ne roulent pas très vite, et qu'ils ne sont pas très confortables. Ce fut l'enfer.
Au bout de plusieurs heures de trajet, j'arrivais enfin à l'aéroport. Avec toujours plusieurs heures d'avance, car mon vol était à dix-sept heures et je suis arrivé à treize heures. Pour m'occuper je suis resté un peu sur mon téléphone, jusqu'à ce qu'il pleure pour avoir de nouveau de la batterie.
Après l'avoir branché à une batterie externe que j'ai prévu, comme l'homme organisé que je suis, j'ai pris mon carnet de croquis. Je ne sachant pas trop quoi représenter, j'ai regardé autour de moi. Les gens semblaient tous tristes, ternes, et fatigués. Rien d'intéressant en somme. Il ne me restait plus qu'à dessiner l'architecture de l'aéroport.
Au bout d'une heure, ça m'avait gonflé. Il n'y avait décidément rien à faire. J'avais déjà enregistré mes bagages, et je ne pouvais pas me permettre de dépenser mon argent dans les boutiques aux vitrines agicheuses. Alors je les ai juste léchées histoire de tuer le temps.
Heureusement pour moi, mon vol est arrivé à l'heure. Je n'en pouvais plus. Le décollage fut un peu stressant pour moi qui n'avais jamais pris l'avion. Enfin si, mais je n'étais pas en âge de m'en souvenir. Le vol à duré un peu plus de deux heures. C'était suffisant pour que je puisse m'endormir, malgré mon insupportable voisin qui ne savait quelle était la meilleure position pour ses longues jambes.
Il n'y a pas de décalage horaire entre la France et la Suède. C'est pourquoi je ne fut pas claqué en arrivant à Malmö, la plus grande ville du sud du pays. Je ne suis pas allé jusqu'à Stockholm, car il était plus facile de rejoindre Gränna par cette ville.
Je devais aller acheter un billet de train, mais je ne pouvais m'empêcher de contempler chaque mètre carré autour de moi. Peut-être était-ce parce que c'était mon pays natal, mais la Suède est vraiment le plus bel endroit du monde. Encore plus quand elle est recouverte d'un manteau blanc immaculé.
Je suis passé devant le griffon couvert de neige, symbole de la ville, ai aperçu de loin le Turning Torso (le gratte-ciel le plus haut de Scandinavie), et le château. Qui n'avait rien à voir avec ceux qu'on peut voir et visiter en France.
Mais je n'avais pas le temps de m'y attarder. En moins de temps qu'il n'en faut pour le dire, j'étais déjà arrivé à la gare. En même temps, parler la langue du pays dans lequel on se trouve, aide sur pas mal de points.
Je fis encore une heure ou deux de trajet, durant lesquelles je me suis encore endormi, avant de débarquer dans ma ville natale. À peine avais-je posé un seul pied sur le sol de Gränna qu'une sensation étrange me prit aux tripes.
C'était comme si la ville en elle-même, ainsi que ces habitants, me montraient que je n'étais pas des leurs. La sensation de malaise s'accrut lorsque je croisais le regard noir de certains voyageurs, notamment des personnes assez âgées, qui me suivait littéralement. Comme s'ils savaient de qui j'étais le fruit. C'était tout simplement détestable.
Je cherchais désespérément un vieil homme, mon grand-père maternel, qui devait venir me chercher. J'ai finalement aperçu un tout petit homme au chapeau de feutre et à la moustache blanche, qui tenait une pancarte avec mon nom. Les gens devaient se demander qui était ce vieillard qui se baladait avec un écriteau où il était inscrit "ruisseau".
En m'approchant de lui, j'ai remarqué qu'il avait une physionomie beaucoup trop heureuse pour appartenir à la famille de ma mère. En fait, il partageait de nombreuses caractéristiques de mon père, que je pouvais reconnaître au premier coup d'œil.
- Vous n'êtes pas mon grand-père maternel, lui avais-je dis en arrivant près de lui.
Sa bouche forma un "o" parfait sous l'effet de la surprise, et sans que je m'en rende compte, il m'avait serré dans ses bras. Je pouvais le sentir qui tremblait tout contre moi. Stupéfait, je n'avais pas osé esquisser le moindre geste.
- Oh Å, est-ce bien toi ? M'a-t-il demandé en reculant légèrement, les yeux brillants. Vingt-sept ans déjà que toi et mon fils êtes partis... Tu lui ressembles, bien que tu ne sois pas son enfant biologique. C'est stupéfiant.
Je n'avais plus les mots pour répliquer, alors je me suis laissé guider jusqu'à sa voiture. Il m'expliqua que la famille de ma mère les avait appelés, lui et ma grand-mère, pour qu'ils viennent me chercher. Apparemment, ils avaient besoin de plus de temps pour préparer mon arrivée.
Ce faux pas ne m'a pas dérangé, bien au contraire. J'avais pu faire la connaissance de mon grand-père, un homme merveilleux que je n'avais jamais eu la chance de rencontrer, et qui me traitait comme un être humain. Comme son véritable petit-fils. Par comme le rejeton d'une liaison interdite.
Cela m'a ému plus que je ne le pensais, puisque que des larmes silencieuses ont bien vite roulées sur mes joues. Il l'a vu, puisqu'il m'a dit en posant une main frêle sur mon épaule.
- Välkommen chez toi mon fils. Tu es de retour à la maison.
Å
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Le Carnet de Å [EN PAUSE]
General FictionAu départ, je voulais appeler ce Carnet "Journal de Bord de Å". Mais c'était trop long et un peu chiant. Å c'est moi. Jeune homme de vingt-sept ans aux cheveux roses, et également chômeur professionnel. Auvergnat d'adoption, mon confident est un co...