p.23 | Les gens chångent et moi aussi

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31/12/2016

Bonsoir.

J'ai l'impression que ça fait des siècles que je n'ai pas écris. En vérité, la page vingt-deux date d'août. Ça m'a manqué de ne pas écrire, parce que c'était devenu une routine, un déferlement de souvenirs plus ou moins agréables que je pouvais coucher sur le papier.

J'aime garder une trace de ce que je fais. Comme ça, quand je serai vieux et que ma mémoire sera défaillante, je pourrais toujours me relire.

Je suppose que je vais commencer par là où je me suis arrêté. Après m'être exposé à une pluie glaciale qui m'a valu un rhume comme je n'en avais jamais connu, j'ai passé ma semaine cloué au lit à éplucher les petites annonces. 

Plus je lisais, entourais, surlignais et raturais, plus mon projet devenais concret. Je devais aller en Suède. C'était écrit, inévitable. Je devais renouer avec mon passé, voir mon géniteur et lui dire tout ce que je pensais. Mais j'étais prêt à écouter ce que lui aussi avait à me dire. Enfin, s'il avait des choses à me dire.

Peut-être qu'il avait oublié qu'il avait donné la vie sans le vouloir. Peut-être qu'il avait continué de vivre comme si de rien n'était. Ou alors il se rongeait les sangs en regrettant d'avoir abandonné une jeune fille et son bébé. Même si je ne croyais pas vraiment à cette dernière hypothèse.

Au début j'enchaînais les boulots de quelques semaines à peine. Durant une assez longue période, j'ai enchaîné deux boulots en même temps : un de nuit et un de jour. C'était épuisant et je n'avais même plus de temps pour moi. Alors le poser devant mon bureau pour écrire, c'était inenvisagable.

Cela ne m'a pas empêché de prendre des nouvelles de Nemo, à qui je n'avais pas fait part de mon projet. Il valait mieux qu'il ne sache rien pour le moment.

J'ai échangé quelques message avec Nana aussi. Elle m'a bien proposé de prendre un verre avec elle quelque fois, mais j'ai toujours refusé par manque de temps.

Concernant Thalia, nos relations se sont progressivement dégradées. Si au début j'avais des nouvelles, elles ont commencées à se faire de plus en plus rares. Je savais que sa rentrée en terminale s'était bien passée, et qu'il y avait un garçon qui lui plaisait bien. Elle m'a envoyé un message pour mon anniversaire le onze octobre. Ouais j'ai vingt-huit ans maintenant. Ça ne me plait pas et je ne vais pas m'éterniser sur le sujet.

Pour continuer sur Thalia, elle est venue fêter Noël avec sa famille chez ses grands-parents. Je lui avais proposé qu'on se voit, ce qu'elle a accepté.

On s'est donné pour rendez-vous la rivière où nous avions fait un pic-nique. Ce jour où nous eûmes une grande discussion sur l'amitié. Quand on connait la suite, c'est assez ironique.

Dès que je l'ai vu arriver, et même de loin, j'ai vu qu'il y avait quelque chose qui avait changé. Je ne parle de son physique, bien que la vue de son carré plongeant m'avait fait un petit choc.

Dès qu'elle m'a dit bonjour, j'ai su que quelque chose n'allait pas. Elle avait l'air assez hautaine, rien que dans son ton ou son attitude. Ce qui m'a le plus choqué, c'est quand elle a sorti un paquet de cigarettes de sa poche.

- Qu'est-ce que tu fous ? Lui avais-je demandé.

- Parce que tu fumes pas toi ? T'as pas à me faire des leçons de morale, m'a-t-elle répondu en allumant sa clope.

La flamme de son briquet a illuminé tout son visage, de même pour son regard devenu dur et froid. Peut-être que j'étais mal placé pour lui faire des remarques, mais cela n'allait pas m'en empêcher :

- Et toi qui disais que tu voulais pas te fondre dans le troupeau de moutons. Je trouve que cela a bien changé.

- Faut croire. Tu voulais quoi ? M'a-t-elle répondu en recrachant de la fumée grise.

- Rien. Juste parler, vu que tu ne te donnes pas la peine de me donner des nouvelles.

Je commençais à être énervé. Je détestais​ déjà son petit ton condescendant.

- Ben écoute ça va super bien pour moi. J'ai lâché mes vieux potes qui en avaient rien à cirer de moi, j'ai un mec et de nouveaux amis. C'est cool.

- Et c'est eux qui ont fait de toi "mademoiselle je pète plus haut que mon cul", non ?

- Attends comment tu me parles toi ? Tu sais qui je suis ?

Sa voix qui montait dans les aigus était tout simplement insupportable.

- Arrêtes de te donner un genre qui n'es pas le tien. Ça ne te vas pas au teint.

Elle a rit.

- Je vois que j'ai bien fait de couper les ponts avec toi. Maxime, tu sais mon mec, me l'a conseillé. Il a dit que c'était chelou de traîner avec un mec de dix ans de plus que moi. C'est creepy.

Mais qui était donc ce sombre connard ? Qui était-il pour juger mon amitié avec cette fille ? Bien que ces questions m'agacaient, j'ai préféré ne pas les poser. Je n'avais pas de temps à perdre avec des gamineries de ce genre. Je suppose qu'en à peine quelques mois, j'étais devenu ce qu'on appelle un homme. Je n'avais plus le temps de m'amuser avec cette fille. C'est tout.

- C'est dommage, avais-je ajouté tout en écrasant mon mégot sur le sol. Avant t'étais mignonne et innocente. Maintenant t'as l'air d'être devenue une de ces pimbêches qui vivent dans l'espoir de connaître un jour la fame. Dommage pour toi flicka, c'est pas en te mettant un masque que tu vas réussir. Allez, salut.

Et je l'ai laissé en plan. Seule dans la neige et le froid. J'espérais juste ne pas avoir à regretter cette décision.

Å

Le Carnet de Å [EN PAUSE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant