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Au départ, j'avais juste besoin de ma carte vitale. Comme je ne vais jamais au médecin ou à la pharmacie, elle reste bien cachée dans un placard.

En fouillant dans les papiers, je suis tombé sur l'acte de mariage de mes parents. Avec un peu de nostalgie, je l'ai lu. Mais c'est alors que quelque chose m'a interpellé.

La date ne correspondait pas à celle qu'ils​ m'avaient toujours dit. 

Elle était ultérieure à ma naissance.

Or, ils m'avaient dits qu'ils s'étaient mariés deux ans avant ma naissance, en 1987. Je suis né en 1989. Mais sur le document, il était écrit 1990.

J'étais perplexe. Comment une telle erreur n'avait pas été corrigée en plus de vingt ans ?

Je n'avais personne à proximité pour me répondre. Mes parents travaillaient tous les deux.

J'ai continué à chercher dans le meuble, et sans comprendre pourquoi​, mon cœur commençait à battre plus fort dans ma poitrine. Quelque chose était définitivement étrange.

J'ai retourné tous les tiroirs, fouillé dans toutes les pochettes.

Un stress immense s'emparait de moi. J'avais la sensation que j'allais tomber sur quelque chose d'impensable, d'innacecptable. 

J'en étais sûr : j'allais enfin tomber sur le petit grain de sable dans les rouages de ma vie. Cette sensation avait toujours fait partie de moi. Je n'avais jamais été aussi proche de la vérité.

Ces pensées me firent redoubler d'efforts. Autour de moi, c'était un carnage : les tiroirs étaient à même le sol, des papiers avaient glissés jusqu'à l'autre bout de la pièce, le dessus du meuble était surchargé.

Puis enfin j'ai trouvé.

Une simple feuille, écrite en suédois, cachée dans un double fond. Et cette simple feuille avait scellée la destruction de ma vie.

J'ai toujours eu de mal à lire le suédois. J'avais beaucoup plus l'habitude de le parler que l'écrire.

C'est pourquoi j'ai cru mal comprendre, en le lisant la première fois.

Pourtant, c'était bien ça.

Je ne sais pas combien de temps je suis resté là, assis par terre en le fixant. Plusieurs heures sûrement.

Puis, à un moment donné, j'ai entendu le claquement de la porte d'entrée.

Je n'ai esquissé aucun geste.

J'ai fait de même lorsque j'ai entendu ma mère qui m'appelait.

Je n'ai pas relevé la tête quand elle s'est approchée de moi, sans un mot. Puis elle est repartie.

Elle m'a laissé là. Seul. Sans explications.

Comme la femme monstrueuse et égoïste qu'elle était.

Je me suis relevé, lentement.

J'ai marché jusqu'à la cuisine, où elle était là, les mains croisées sur la table, ses ongles enfoncés dans sa peau. Ses cheveux étaient noués en un chignon strict, comme toujours.

Sur le coup, cela m'a dégouté d'avoir le même visage inexpressif et froid qu'elle.

- C'est quoi ça ? Lui avais-je demandé d'une voix éraillée.

Elle m'a regardé furtivement, sans me répondre.

Ça m'a donné envie de rire.

Une telle lâcheté n'était pas étonnante.

Je lui ai pratiquement jeté le document au visage.

Sur lesquel était inscrit le nom de mon père qui adoptait un enfant.

Moi.

Å

Le Carnet de Å [EN PAUSE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant