p.20 | Le måuvais conte de fées

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Ne sachant que faire au vu de ma réaction complètement inattendue, mon père s'est approché de moi, et a simplement posé sa main sur mon épaule.

J'ai sursauté comme si l'on venait de tirer un coup de feu, puis je me suis vivement écarté, comme brûlé par le contact de sa peau contre la mienne. Je l'ai senti blessé, puisqu'il s'est lentement retiré, les yeux fuyants.

Il s'est assit à côté de moi. Nous n'avons rien dit pendant de longues et interminables minutes. Des heures même.

J'ai vu le soleil se coucher, la lune se montrer. Les étoiles ont brillées dans le ciel devenu noir d'encre. J'ai trouvé qu'elles n'avaient pas leurs places, que leurs présences beaucoup trop lumineuses étaient un affront à mon coeur complètement éteint. 

Puis il a parlé.

J'étais né dans la petite ville de Gränna, dans la province historique de Småland, au sud de la Suède. Mais ça, je le savais déjà. Mes parents sont nés là-bas, et ils y sont restés jusqu'à leur départ en France. 

Ce que j'ignorais, c'est que la maison de mes grands-parents maternels étaient une sorte de refuge pour les enfants délaissés. Ils n'étaient qu'une sorte d'entre deux jusqu'à ce que les enfants, et les adolescents, trouvent une véritable famille.

C'est là que ma mère a rencontré un certain Bartolomeus. Elle est tombée amoureuse. Elle croyait que lui aussi.

Elle s'est malheureusement donnée à lui, et après qu'elle lui ait annoncé sa grossesse, il a disparu. Sans laisser de traces. Elle avait tout juste dix-huit ans.

Savoir que j'étais le fruit d'une union éphémère et accidentelle fit remonter l'acide de mon estomac jusque dans ma gorge. J'avais envie de pleurer.

Ma mère était naïve. Elle croyait qu'il allait la soutenir dans cette épreuve. Elle s'est retrouvée perdue dans les griffes d'une famille qui pensait qu'elle n'était plus que souillure. Elle est devenue symbole de honte, rejetée par tous même dans son propre quartier.

Elle aurait pu avorter, aller à l'université et retrouver une vie quasiment normale. Mais j'étais trop bien installé. 

C'est là que mon père est arrivé. Ami proche du géniteur, il était fou amoureux de ma mère depuis des années. Il lui a proposé de me prendre en charge, sans rien lui demander en retour.

Les parents de mon père étaient des personnes aisées, il pouvait se le permettre. Ma mère a refusé en bloc, du moins au début. J'étais son erreur, elle devait m'assumer.

L'année qui suivit fut un véritable cauchemar. La ville s'apparentait à l'Enfer, les habitants à des démons à la langue fourchue, leurs paroles à de l'acide qu'ils cachaient sur elle et sur moi, et leurs regards assassins à des flammes ardentes. 

Et sur mon père aussi. Parce que trop bon, il ne cessait d'attendre en tremblant ce "oui" qui l'aurait délivrée. Il m'a dit qu'il m'aimait déjà, même s'il ne me voyait que de loin. Des larmes ont roulées sur mes joues.

Ce jeune homme si tendre qui la protégeait elle et son fils des pierres et des insultes acerbes, elle en est tombée amoureuse. Et cette fois-ci c'était bien réel et réciproque.

Ils ne voulaient plus rester dans cette ville qui les avaient tant brimés. Ils auraient pu aller ailleurs, mais mon père trouvait que c'était le moment idéal pour partir. Loin. Pour toujours. Elle l'a suivi les yeux fermés.

Pour que ce soit plus facile, ils se sont mariés un jour de pluie à la mairie, avec seulement le maire et eux deux. Ça aurait pu sembler triste mais cela était un aperçu de leur sérénité future. Pas de vagues ou de remous. Les tempêtes et autres tsunamis restent où ils ont débutés pour finalement y mourir.

Mon père a signé les papiers les papiers d'adoption plus vite qu'il ne l'aurait cru. Et ils se sont envolés sans un regard en arrière.

Cela s'est bien terminé et cela aurait pu me satisfaire.

Pourtant, c'était loin d'être le cas.

Les larmes brûlantes ne cessaient de couler sur mon visage, alors que mon corps tremblait de froid.

Sans que je m'en rende vraiment compte je me suis retrouvé dans mon lit, enroulé dans ma couette malgré la chaleur qui régnait dans la pièce.

J'ai fait fis des sanglots et des plaintes que j'entendais.

Mon portable sur ma table de chevet a vibré, se déplaçant ainsi de plus en plus proche du vide. Je l'ai attrapé et je l'ai machinalement allumé.

J'avais des tonnes de messages de Nemo qui s'inquiétait de mon silence, et quelques uns de Thalia et Annabelle pour prendre de mes nouvelles.

Je l'ai éteint et balancé sur un tas de vêtements qui traînait.

Je n'avais besoin de personne à part le noir et mes sanglots. Pour le moment du moins, c'était tout ce qu'il me fallait.

Å

Chapitre dédié à Dash-D-Maleila pour ses mots absolument adorables qui me donnent bien du courage pour la suite. Je pleure des étoiles et je suis très contente

Le Carnet de Å [EN PAUSE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant