[ TW : insultes, violence physique ]
J'ai suivi la jeune fille dehors. Parce que je ne savais pas où étaient les autres, et parce que je n'avais rien d'autre à faire. Elle ne portait qu'une veste légère malgré le froid glacial, sur laquelle retombaient ses longs cheveux noirs.
Elle a allumé une cigarette et s'est tournée vers moi, sans un mot. Un sourire mauvais s'est dessiné sur son visage et elle m'a dit :
- Ça m'étonne pas qu'ils ne respectent pas. Être le fils d'une catin, ça craint un peu.
Je n'en croyais pas mes oreilles. J'ai senti mes joues s'enflammer, mes poings se serrer, et en moins de deux secondes je fus planté devant elle.
- Répètes, ai-je dis de ma voix la plus glaciale.
Son sourire se faisait de plus en plus moqueur. Elle semblait sûre que je n'allais pas réagir. Petite conne.
Sur cette douce pensée à son égard, je n'ai pas pu m'en empêcher : mon poing est parti tout seul.
Oui, ça ne se fait pas de frapper une femme, ni de frapper quelqu'un tout court. Mais bordel, c'était hors de question que je la laisse insulter ma mère en toute impunité. On me mord, je fais en sorte de faire la même chose. Mais deux fois plus fort. Visiblement elle pensait comme moi.
La brune s'est jetée sur moi en poussant un grognement de rage. À cause du choc, nous sommes tous deux tombés au sol, le cul dans la neige. En deux temps trois mouvements elle s'est retrouvée sur mon ventre, emprisonnant ainsi mon corps de ses jambes, et elle m'a foutu la plus grosse claque que j'ai jamais reçu de ma vie. La joue encore rouge et brulante, j'ai attrapé ses cheveux à pleines mains pour la mettre la tête la première dans la neige.
Elle avait beau se débattre, je ne lui laissais pas reprendre son souffle plus de quelques secondes avant de la plonger de nouveau dans la neige. J'étais complètement aveuglé par la rage, et je n'avais qu'une seule idée en tête : qu'elle s'étouffe.
J'avais de plus en plus de mal à la tenir en place : elle se débattait comme un beau diable, en criant et en agitant violemment ses bras et ses jambes. Sans que je puisse l'éviter, un de ses poings me frappa en plein dans le ventre. Le souffle coupé, je l'ai lâchée sans m'en rendre compte, et elle en profita pour bondir sur ses jambes.
Nouveau coup de poing. Je suis retombé sur le dos, pas encore bien remis du choc précédant. C'est qu'elle avait une sacrée force. Trois points pour elle et deux pour moi. Je ne suis pas resté sur cet échec : un coup de pied dans le tibias alors qu'elle s'est approchée de moi. En tombant comme moi, elle a poussé un grand cri de douleur. Égalité.
Nous avons eu du mal à reprendre notre souffle, en observant l'autre d'un oeil mauvais. Puis au fil des minutes, nous avons réussi à nous calmer.
- Pourquoi tu m'as frappée ? M'avait-elle demandé.
- La raison ne te semble pas assez évidente ? Tu as osée insulter ma mère. Et si tu veux tout savoir, je n'en retire aucune honte. Je suis même prêt à recommencer, ai-je répliqué d'un ton acide.
Le sourire carnassier a refait surface sur son visage.
- T'as quand-même une sacrée paire de couilles pour frapper une nana.
- Quoi ? On est égaux. Une connasse comme toi viens m'emmerder, enfin même pas moi mais ma famille, je réplique. C'est normal.
- T'es moins chiant que je le pensais vieil homme, avait-elle répondu en se relevant avec quelques difficultés.
Encore une fois, je vis rouge. Bordel, je détestais qu'on me rappelle mon âge. Elle s'est approchée de moi, et je pus voir malgré ses cheveux qui collaient à son visage qu'un bleu ornait sa joue. Je n'étais pas peu fier de mon coup, même si je devais avoir la même tête qu'elle au vu de la douleur que je ressentais. La brune au visage tuméfié m'a tendu la main.
- Pour que tu me laisses retomber comme un con ? Non merci, je peux le faire tout seul.
Je me suis relevé, non sans difficultés, alors qu'elle m'observait d'un air moqueur.
- Eh. Apparemment tu cherches ton père ? Ils t'ont invité, mais je crois bien qu'il vont te laisser dans la merde.
- Pourquoi ? Et comment tu peux en être certaine ?
Elle a haussé les épaules tout en allumant une cigarette. Un coup de vent a ramené ses cheveux vers moi. Ils puaient le tabac froid.
- Ma mère pense qu'ils voulaient juste voir à quoi ressemblait l'enfant de leur fille. Maintenant qu'ils ont eu ce qu'ils voulaient, et qu'ils t'ont jugé inutile, tu peux bien rentrer chez toi. Ils ne voudront jamais te dire où il est.
- Hors de question, avais-je répliqué avec fermeté. J'ai pas passé des mois à préparer ce voyage pour rien. Je me dois de savoir la vérité. Je me dois de savoir qui m'a mit au monde. Je pense que tu peux comprendre cela.
Aussitôt Son visage se ferma. Ses yeux bleus étaient à présent rivés vers le sol. Cigarette entre les lèvres, elle semblait réfléchir. Quelques secondes plus tard elle avait relevé la tête en haussant les épaules.
- Si insistes vraiment je peux t'emmener le voir. Par contre ça risque d'être assez décevant.
- Peu importe.
J'étais fébrile et vraiment surpris qu'elle veuille bien m'accompagner alors qu'on s'était battu juste avant. Mais comme ma vie n'a pas vraiment de sens de toute façon, je n'ai fais aucune remarque.
Elle m'a fait signe de la suivre, et nous sommes partis. Nous avons marchés pendant une vingtaine de minutes environ, sans un mot. La brune continuait de fumer sa cigarette, et moi j'en profitais pour découvrir d'un oeil nouveau la ville natale de mes parents. Il n'y avait pas âme qui vive dans les rues. En fait, les seules personnes que nous avons croisé étaient des petits vieux qui me regardaient d'un mauvais oeil. Je ne peux pas dire que je n'y suis pas habitué.
D'un seul coup elle a bifurquée pour emprunter un chemin où la boue et la neige se mélangeaient, rendant la progression difficile. Des arbres morts longeaient le chemin, et au bout on pouvait voir un cimetière. Le géniteur habitait donc un quartier assez charmant.
Alors que je pensais qu'elle allait prendre un autre chemin, je vis avec surprise qu'elle avait franchi les grilles du cimetière. Perplexe, je l'ai suivi.
Nous avons parcourus les chemins de graviers en passant tout près des tombes. Je me sentais de plus en plus mal à l'aise. Elle s'est arrêtée et m'a dit :
- Dis bonjour à ton papa, Å.
Elle s'est éloignée, et moi je me suis approché, tout doucement. Je n'osais y croire. Pourtant, il était bien écrit sur la pierre tombale devant moi : Bartolomeus LINDBERG. 1971 - 2009.
Choqué, je n'étais pas vraiment sûr d'avoir entendu derrière moi :
- Je m'appelle Astrå. Et tu n'es pas le seul à avoir un père qui est un parfait connard.
Å
VOUS LISEZ
Le Carnet de Å [EN PAUSE]
General FictionAu départ, je voulais appeler ce Carnet "Journal de Bord de Å". Mais c'était trop long et un peu chiant. Å c'est moi. Jeune homme de vingt-sept ans aux cheveux roses, et également chômeur professionnel. Auvergnat d'adoption, mon confident est un co...