Chapitre XXIV

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Léréna

Elle regarda la foule avec fierté. C'était comme si un poids immense lui avait été enlevé. Elle se sentait un peu plus libre. Les Libérateurs du Mal regardaient la scène avec horreur, et les Armées Noires avec un grand sourire. Son regard croisa celui d'Ulrick qui semblait à la fois horrifié et apeuré. Il ne savait plus quoi faire et cela se voyait.

-Voyez ce qu'il arrive quand on s'oppose à moi, commença la reine, vous finissez toujours sans vie ! N'avez vous donc pas compris qu'ici, c'est moi qui façonne les règles du jeu et que vous n'êtes que des pions ? Je peux vous en faire sortir comme bon me semble, comme lui ! Prosternez vous et vous aurez la vie sauve, restez debout et vous êtes tous morts !

Elle regarda la foule qui semblait ne pas savoir réagir. Les gens se regardaient, le regard plein de questions, comme pour demander aux autres ce qu'ils allaient faire. Après ces quelques secondes d'hésitation, aucun ne s'agenouilla.

-Vous ne tenez donc pas à votre vie ? Lança-t-elle.

-Libérateur du Mal, ne lui obéissez pas ! Cria une voix.

Tout le monde se retourna vers la personne qui avait crié. Ulrick.

-Prosternez vous, et vous aurez la vie sauve, certes, continue-t-il sous les regards de tous, mais en temps qu'esclave ! Elle se fiche bien de votre avenir, tout ce qui lui importe, c'est le siens ! Calleb vous avait dit de vous battre jusqu'à la mort pour votre liberté. Alors moi, je dis que pour honorer sa mémoire, battez vous ! Et vengez le !

Les Libérateurs du Mal crièrent en cœur. Puis se tournèrent vers la reine.

-Soldats Noirs, Morgoths, cracha celle-ci, tuez les tous, je ne veux aucun prisonnier qui pourrait pourrir nos prison !

Ceux-ci s'avancèrent vers leur adversaire à leur tour. La reine se téléporta alors aux côté de Galador, sur la petite coline, pour mieux regarder la scène.

Les armes s'entrechoquèrent de nouveaux et le sang coulait de plus belle. Ulrick leur avait redonné un peu d'espoir et à présent, ils se croyaient invincibles. Pathétiques, pensa la reine. Les cris résonnaient dans la clairière, des fois de rage, d'autres de douleur. Son regard vacillait dans tous les recoins, pour ne rater aucune miette du spectacle qui s'offrait à elle. Puis, celui-ci s'arrêta sur le corps innerte de son frère. Une scène de son enfance lui revint alors en tête.

*Deux enfants jouaient auprès d'un saule pleureur. Le garçon avait des soldats en bois sculpté, avec qui il simulait une guerre, et la fille une poupée qu'elle coiffait. Puis le garçon s'approcha de sa sœur et l'embêta avec un de ses chevaliers.

-Calleb, arrête, tu va faire peur à ma poupée, se plaignait celle-ci.

-N'importe quoi, il vient la sauver ! Rigola le jeune garçon.

-La sauver de quoi ? Demanda sa sœur.

-Du méchant dragon qui arrive !

Calleb se leva et imita le monstre en mettant ses bras au dessus de lui en recourbant ses doigts pour faire des griffes et en faisant des bruits rauques avec sa bouche. La jeune fille criait et rigolait en même temps. Puis elle se mit à courir, sa poupée entre ses mains, suivie par son frère. Se fit ensuite une course folle autour du vieil arbre.

-Je vais t'attraper Léréna ! Lança le garçon.

-Tu n'y arriveras pas, méchant dragon ! Riait la jeune fille.

Puis, les deux enfants trébuchèrent sur les petits soldats. Mais ce n'est pas pour autant qu'ils se mirent à pleurer, au contraire, ils riaient de plus belle.

-Tu vois, je t'avais dit que mes chevaliers allaient te sauver ! Répliqua Calleb qui s'était calmé.

-Oui, et je les remercie ! Répondit Léréna.

Puis le silence s'installa et les deux enfants se mirent à regarder le ciel. Le vent soufflait légèrement, faisant bouger les feuilles du saule. On n'entendait que le crépitement de celle-ci et le chant des oiseaux. Puis la jeune fille brisa ce silence apaisant.

-Dis Calleb ? Dit-elle.

-Oui ?

-Tu me promet qu'on se protégera, quoi qu'il arrive.

-Je t'en donne ma parole. Si on te fait du mal, je viendrai te sauver.

-Merci.

Ils échangèrent alors un regard puis un sourire sincère.*

La reine rouvrit les yeux quand sa mémoire eut finit de lui jouer des tours.

-Ma reine, vous allez bien ? S'inquiéta Galador pour sa souveraine.

-Parfaitement bien, répondit-elle sèchement.

Galador n'en rajouta pas plus et tourna la tête pour regarder la bataille, comme la reine. Certains Morgoths s'écroulaient, sans vie, mais les morts de l'autre côté étaient bien plus conséquents, si bien qu'ils ne devaient être moins de cent à présent. Le seul problème que la reine voyait c'était qu'Ulrick résistait encore.

Il réussissait à en sortir, soit grâce à un de ses coéquipiers, soit par manque d'attention de la part de son ennemi. La reine pensa d'abord que ses armées n'étaient pas assez bien entraînées puis elle mit cela sur le dos de la chance. Après tout, il en avait toujours eu. Si la chance n'était pas de son côté, il ne serait sans doute plus de ce monde.

Puis la reine en eu assez que la bataille perdure.

-Fais avancer la deuxième partie des Morgoths, dit-elle à l'attention de Galador.

-Oui votre Altesse, lui répondit-il.

Il leva son bras droit en l'air puis l'abaissa pour dire aux Morgoths restants de s'engager dans la bataille. Ils avancèrent comme un seul homme, le bruit de leur chaussures, qui résonnaient en cœur, se mêlaient aux bruits de la bataille. Arrivés à une bonne distance de leur ennemi, ils abaissèrent leurs armes et entamèrent le combat.

Les Armées Noires avaient à présent un gros avantage, leur nombre était bien supérieur à celui des Libérateurs du Mal. Ceux-ci se battaient du mieux qu'ils pouvaient pour rester en vie. N'avaient-ils donc pas compris que quoi qu'il arrive, elle gagnerait, pensa-t-elle.

Son regard s'arrêta sur Ulrick qui se figea d'un seul coup. Il regarda autour de lui, comme s'il regardait l'étendue des dégâts. La reine fronça les sourcils face à ces gestes plutôt inattendus. Il ferma les yeux et serra ses mains sur son épée. À quoi pouvait-il bien penser ? Se demanda la reine. Elle ferma les yeux à son tour et s'introduisit dans la tête du garçon d'écuries.

Je sais que vous entendez cela, Léréna. Sachez que je vengerais Calleb en vous tuant à votre tour. Ne riez pas trop tôt car l'épée risquerait de vous arrêter.

Pour la première fois depuis qu'elle était sur le trône, elle avait peur de quelqu'un, ou du moins quelque chose. Comment avait-il pu se procurer l'épée ? Comment connaissait-il son existence ? Sait-il l'utiliser ? Tant de questions se bousculaient dans sa tête. Son souffle, pour la première fois depuis des années, se dit de plus en plus court, et un point se forma dans son ventre. Quel était ce sentiment qu'elle n'avait pas ressenti depuis longtemps ? Peu importe, elle le détestait.

Elle commençait à paniquer. Ce misérable garçon d'écuries avait le seul moyen existant de la tuer. Le ferait-il ? Prise par cet élan de peur, elle voulait s'assurer de sa protection. Elle ferma alors les yeux et leva doucement les mains au ciel. Un guerrier sortit du sol puis un autre, encore un, et puis mille autre, voir plus. La terre tremblait de plus en plus, faisant tomber quelques hommes, et un éclair fendit le ciel. Elle se tourna vers eux, avec la peur d'être poignardée dans le dos.
L'Armée Fantôme était à présent à ses côtés pour la défendre d'une quelconque épée.

La Reine Noire - Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant