Terrence Graham, vous savez bien, ce célèbre comédien New-Yorkais qui avait défrayé la chronique dans sa jeunesse, eh bien Terrence Graham était plutôt fier de la façon dont se déroulait cette journée, point d'orgue du projet qu'il avait mis en chantier l'année précédente, sur un coup de tête. Bon, d'accord, il fallait bien admettre que sa géniale idée ne lui serait jamais venue à l'esprit sans ce petit coup de pouce du destin : une commande qu'on lui avait faite.
Une bien curieuse commande du reste, si l'on considérait que le commanditaire n'avait laissé aucune adresse où la lui faire parvenir, qu'il avait juste signé sa lettre de son prénom « Gaspard » et qu'au surplus, les exigences du susnommé étaient plutôt extravagantes avec un cahier des charges à la fois insolite et des plus détaillé, qu'il lui avait paru difficile voire impossible, en première lecture, à réaliser. Et tout cela, comme le lui avait fait remarquer son ami d'enfance Charlie, le seul auquel il s'en était ouvert, c'était sans compter qu'il n'avait aucun moyen de savoir s'il serait effectivement payé pour son travail.
Et pourtant, il s'était lancé à corps (et fonds) perdus dans cette entreprise insensée. Il faut dire que la curiosité du jeune acteur avait été piquée par la phrase énigmatique qui concluait la lettre :
« Vous ne regretterez pas de vous investir dans ce projet qui pourrait certes vous paraître un peu hasardeux, mais pour lequel vous serez payé au centuple. »
Encore aujourd'hui, Terrence se demandait ce que son commanditaire avait voulu dire par là et ce qui pourrait bien payer au centuple cette année entière de travail acharné. En tout cas si le projet avait été long à mener à son terme, le succès qu'avait rencontré le gala aujourd'hui prouvait qu'il avait eu raison d'y croire, de s'accrocher et de persévérer malgré les difficultés diverses et variées qu'il avait traversées. Vous voulez sans doute savoir de quel projet il s'agit ? Un peu de patience, voyons ! J'y viens...
Contrairement à ce que s'était imaginé de prime abord le comédien, le plus dur n'avait pas été de coucher sur le papier ce conte de Noël, que lui avait commandé le dénommé « Gaspard ». Cela lui avait certes pris du temps, toute une année pour être précis, mais c'était avec un plaisir toujours renouvelé qu'il s'enfermait pour écrire, même les jours où l'inspiration, décidément, ne voulait pas s'inviter à son bureau.
Écrire lui permettait de s'évader de son quotidien morose pour pénétrer dans cet univers magique et coloré, où malgré quelques péripéties, une petite fille finissait par voir son vœu se réaliser grâce à l'intervention de « l'assistant préféré du père Noël » (c'était ainsi qu'il avait baptisé sa pièce). Quel vœu me direz-vous ? Eh bien, celui d'avoir enfin un papa, un papa à elle, ce qui touchait tout particulièrement Terrence qui, bien qu'il s'en défendît, aurait aimé, non... adoré, continuer à porter le nom de son père qu'il avait abandonné en posant le pied sur le continent américain.
Robert, son mentor et ami Robert, directeur de la troupe Strafford n'avait pas non plus été trop difficile à convaincre. Il faut dire que depuis que son acteur vedette avait quitté les chemins brumeux de l'alcool pour redevenir l'étoile que les critiques les plus sévères prévoyaient, il n'y avait plus grand-chose qu'il pouvait lui refuser et Terry savait pouvoir compter sur son indéfectible soutien.
Le plus dur, ce qui lui avait demandé le plus d'énergie c'était qu'il avait fallu chercher un théâtre qui accepterait d'accueillir la manifestation peu orthodoxe qu'il avait en tête. Une manifestation qui, éventuellement, pouvait ne pas rapporter autant qu'une pièce classique. Un certain nombre de directeurs s'étaient récriés : cela ne marcherait pas, cela ne pourrait pas marcher.
Tout d'abord, quelle idée farfelue de proposer un spectacle pour enfants dans leur théâtre... un théâtre aussi réputé ! Et puis, les aristocrates de la haute société New-Yorkaise n'étaient pas assez stupides pour payer au prix fort des places de seconde catégorie pour leur famille et eux-mêmes, tandis que les meilleures places seraient gratuitement réservées à des enfants pauvres ! Et ne parlons même pas de cette désarmante idée de faire jouer certains de ces pauvres hères dans le spectacle. Comment ceux-ci allaient-ils se comporter ? Cela ne s'était jamais vu, et malgré la notoriété grandissante de l'acteur et de la troupe, une telle entreprise serait sûrement vouée à l'échec.
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Les rois mages
FanfictionEt si les rois mages se mêlaient du destin de Candy et de Terry ?