Partie 9

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« Élisa est passée.

— Élisa ? Élisa Legrand ?? »

Terrence acquiesça d'un bref hochement de tête. Mademoiselle Pony semblait tout à fait déconcertée par la nouvelle et s'étonna :

« Élisa Legrand ?! Mais que voulait-elle ?

— Elle voulait vous prévenir que Candy ne viendrait pas. Elle est, paraît-il, chez un certain Tom. »

Terrence supposait que ce Tom-là était celui dont lui avait parlé Candy, autrefois, sans toutefois en être absolument certain.

« Chez Tom ? s'exclama la directrice de l'orphelinat, au comble de l'étonnement. Mais que peut-elle bien faire chez Tom ?

— Je n'en sais rien... »

Le comédien avait haussé les épaules, mimant l'ignorance et une indifférence qu'il était loin de ressentir. Il préférait passer sous silence les allégations de la rouquine concernant Candy et ce fermier et scrutait attentivement le visage de son interlocutrice, cherchant à y déchiffrer ses pensées les plus profondes. Avait-elle appris quelque chose à propos de Tom et de Candy qu'elle lui aurait dissimulé à dessein ? Rien ne permettait de le supposer.

Un pli soucieux barrait le front déjà bien ridé de Mademoiselle Pony : que Candy décide de rester chez Tom, alors que celui-ci était lui aussi censé venir à l'orphelinat, c'était déjà plutôt étonnant, mais qu'elle ait envoyé sa cousine les prévenir qu'elle ne viendrait pas lui paraissait proprement inconcevable. D'abord, pourquoi ne pas avoir clairement dit qu'ils ne venaient ni l'un ni l'autre ?

« J'espère qu'il ne lui est rien arrivé ! » murmura-t-elle comme pour elle-même.

La façon dont la vieille dame avait prononcé ces quelques mots mit tous les sens de l'acteur en alerte.

« Pourquoi dites-vous cela ? s'enquit-il, soudain inquiet. Vous pensez qu'il lui est arrivé quelque chose ?

— Comme je vous l'ai dit tout à l'heure, ce n'est pas du tout le genre de Candy de laisser tomber les enfants ! Surtout de façon si cavalière... Et que sa cousine y soit mêlée ne m'inspire pas particulièrement confiance...

— Pourquoi ne pas téléphoner à ce Tom et lui demander ce qui se passe ?

— Nous n'avons pas le téléphone... D'ailleurs Tom ne l'a pas non plus. Par contre, si j'osais... »

Mademoiselle Pony, s'interrompit, un peu embarrassée, mais Terrence avait saisi le souhait de la vieille dame.

« Vous voudriez que j'aille vérifier si tout va bien ? »

Le visage de Mademoiselle Pony s'éclaira d'un coup.

« Oh oui... Ce serait une excellente idée !

— Eh bien, dites-moi juste comment accéder là-bas.»

—oooOOOooo—

Il commençait déjà à faire presque nuit lorsque Terrence arrêta sa monture derrière le ranch du dénommé Tom. Quelques hennissements assourdis saluèrent son arrivée, étouffés par la neige qui s'était mise à tomber dru et amortissait le moindre son. Après avoir attaché son cheval à la barrière qui courait le long du mur de la maisonnette en rondins, le jeune acteur se mit en devoir de contourner le bâtiment et se figea en passant près d'une des fenêtres. Ce qu'il avait aperçu du coin de l'œil le prenait de court : à l'intérieur de la pièce, des vêtements étaient éparpillés au sol dans le désordre le plus complet, ce qui prouvait au moins une chose, c'est qu'ils avaient certainement été enlevés à la va-vite. Et une analyse plus détaillée lui apprit qu'il s'agissait à n'en pas douter, de vêtements féminins. Le comédien, en état de choc, essayait désespérément de donner à cette vision troublante un autre sens que celui qui lui était venu tout naturellement à l'esprit. Il eut subitement l'impression qu'un froid polaire s'insinuait au plus profond de son être, et la belle flambée qui brûlait à l'intérieur du chalet, haute et claire, dans l'énorme cheminée qui mangeait tout un pan de mur ne pouvait lui être d'aucun secours.

Les rois magesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant