Partie 14

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Candy se frotta machinalement l'avant-bras à l'endroit où l'infirmière venait de retirer son aiguille. Quoique physiquement présente dans la pièce, son esprit s'était attardé dans la chambre qu'elle venait de quitter et elle avait suivi les instructions du médecin sans vraiment y prêter attention.

Elle avait du mal à croire à son bonheur : Terry avait-il réellement fait le trajet jusqu'à La Porte pour venir la voir, elle ? C'était tout bonnement inimaginable... Pourtant, il était là. Elle l'avait vu. Et même si elle continuait à se demander si leurs retrouvailles n'étaient pas juste un produit de son imagination, la bague qui ornait désormais son annulaire était là pour témoigner du contraire.

« Il est venu... » fit-elle tout bas en la retirant de son doigt pour la contempler, émerveillée.

Elle n'y connaissait pas grand-chose mais avait l'impression que c'était une bague de grand prix. Peut-être un bijou de famille... Et Terry la lui avait glissée au doigt, en toute simplicité. Qu'est-ce que cela pouvait bien signifier ? Était-ce la preuve qu'il tenait à elle autant qu'elle tenait à lui ? Tournant et retournant la bague entre ses doigts, sa bouche s'entrouvrit et sa respiration s'accéléra lorsqu'elle découvrit l'inscription gravée à l'intérieur de l'anneau : «gage d'amour ».

Le médecin qui la surveillait du coin de l'œil eut un petit sourire amusé. C'était la première fois qu'il voyait sur le visage de la jeune André une telle expression, oscillant entre perplexité et émerveillement. La joie enfantine qui émanait d'elle lui rappelait celle de ses petits malades lorsqu'ils avaient découvert les décorations du sapin de Noël qu'il avait fait dresser pour eux dans la petite salle qui leur était réservée. Mais ce qui l'avait le plus frappé était la subite disparition de cette mélancolie qu'il décelait habituellement chez elle malgré la bonne humeur et l'entrain qu'elle ne cessait d'afficher.

Le téléphone se mit à sonner et sa jeune patiente sursauta, remit précipitamment sa bague et leva les yeux vers lui.

« Peut-être que je pourrais attendre les résultats dans ma chambre ? »

L'impatience de la petite André était attendrissante et, tout en décrochant le combiné, le docteur hocha la tête et lui sourit avant de faire signe à l'infirmière de la raccompagner.


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De son côté, Terry avait commencé par s'assoir sur le lit et le nez plongé dans l'oreiller qu'il serrait entre ses bras, humait avec bonheur la douce fragrance de sa belle. Il finit malgré tout par sortir de l'hébétude bienheureuse dans laquelle l'avaient plongé le regard brillant qu'elle avait posé sur lui et la délicieuse sensation de ses doigts entre les siens. L'attente se prolongeait un peu trop à son goût et l'inquiétude qui l'avait quitté un moment refit surface. Il se leva, remit avec soin l'oreiller à sa place et se posta devant la fenêtre qui se découpait, rectangle obscur sur le mur brillamment éclairé. Un de ses index battait une mesure frénétique sur ses bras croisés. Il laissa glisser son regard le long de la rue enneigée qui s'enfonçait dans la nuit et se figea soudain. Là-bas, tout là-bas, une petite silhouette pressée s'éloignait au milieu des flocons qui animaient à nouveau l'air de leur danse gracieuse. Il fronça les sourcils, désemparé par la force des émotions que cette apparition venait de déchaîner en lui et se retourna en un mouvement réflexe vers le lit, où il s'attendait presque à découvrir une Susanna larmoyante.

Bien entendu et heureusement, son regard ne rencontra qu'une couche vide aux draps défaits. Le comédien soupira, agacé d'avoir un instant, aussi bref fût-il, pu imaginer pareille ineptie. Sans qu'il en eût conscience, ses doigts vinrent fourrager dans ses mèches brunes et sa main s'attarda sur son front comme pour chasser le douloureux souvenir de ce soir d'hiver, souvenir qui le hantait déjà avec une désagréable persistance lors de ses trop nombreuses insomnies. Il n'était pas question qu'il vienne encore assombrir ce moment de sa vie où s'ouvraient enfin de nouvelles perspectives. Les fantômes du passé devaient rester à leur place, dans ce passé qu'il espérait définitivement révolu. Il lui fallait à présent se tourner vers l'avenir qu'il ne pouvait plus, qu'il ne voulait plus envisager sans sa Taches de Son. Il se demanda soudain s'il ne ferait pas mieux d'aller la retrouver plutôt que de se ronger inutilement les sangs. Mû par une énergie nouvelle, il se redressa et se dirigea d'un pas décidé vers la porte tout en se demandant où pouvait bien se trouver la salle d'examen.

Les rois magesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant