Partie 8

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Pour Glynda





Il y avait en réalité deux chevaux, mais un seul cavalier. La jument baie que montait ce dernier avait pilé juste devant Élisa Legrand, la recouvrant de gros paquets de neige humide et glaciale, qui s'étaient infiltrés partout et lui avaient arraché un cri de protestation et de rage : elle venait de trébucher et s'était retrouvée, de façon bien peu esthétique, les quatre fers en l'air, après s'être vivement reculée pour éviter ce cavalier incapable de tirer correctement sur ses rênes. Celui-ci, sans même un regard pour elle, s'était jeté à bas de sa monture, décrochant dans le même geste fluide le lasso qui pendait à sa selle, avant de se précipiter vers la jeune femme en perdition sur le lac gelé.

« Candy ! » hurla-t-il en arrivant près du bord du lac sur lequel il ne fit pas la folie de s'avancer.

C'était bien assez d'une personne, prisonnière de cette eau glacée. Qu'avait-il bien pu lui passer par la tête pour s'aventurer ainsi sur de la glace non encore stabilisée ? Elle n'était pourtant pas née de la dernière pluie et savait le danger qui guettait l'imprudent trop audacieux ! Fort heureusement, le sol à cet endroit descendait en pente douce et Candy, quoique relativement éloignée du bord, n'avait de l'eau que jusqu'à la taille. Mais, même jusqu'à la taille, c'était déjà bien trop par cette température glaciale. Sans perdre une minute il fit tournoyer son lasso, et d'un geste sec et adroit du poignet l'envoya droit au but, comme il l'avait déjà fait des milliers de fois. Dès que la jeune fille eut passé la corde sous ses bras, il raffermit sa prise et après s'être calé contre un rocher, il commença à tendre la corde pour aider son amie à se hisser hors de l'eau. Après maints efforts, elle finit par se retrouver sur la neige et il se mit à tirer avec plus de vigueur sur la corde pour ramener au plus vite près de lui la pauvre Candy. Elle tenait toujours entre ses doigts crispés par le froid le précieux paquet pour lequel elle venait de risquer sa vie.

« Candy ! Que s'est-il passé ? » s'écria-t-il à nouveau en la débarrassant de la corde qu'il ne prit pas le temps d'enrouler à nouveau autour de son bras. Il reviendrait la chercher plus tard.

Sans attendre une réponse qui ne venait pas, il ouvrit sa pelisse et soulevant sans difficulté la jeune blonde frigorifiée, il l'installa tout contre lui, lui offrant la chaleur de son corps, avant de la recouvrir de son manteau et de remonter avec elle en haut de la berge. Candy, frissonnante et les lèvres bleuies par le froid, n'arrivait plus à parler, mais son regard exprimait toute sa reconnaissance.

La rouquine, qui avait fini par se relever en pestant – on ne se refait pas – les observait d'en haut et le jeune homme se demanda un instant si ce n'était pas elle qui avait poussé Candy... Il en avait tant entendu à son sujet !

« Élisa Legrand, je suppose ? » s'enquit-il tout en récupérant d'une main les rênes des deux chevaux qui l'attendaient sans broncher.

La fille l'observait avec le mépris des gens riches pour les petites gens et s'enquit à son tour, d'un air méfiant :

« Comment connaissez-vous mon nom ?

— Eh bien, comme Candy n'a qu'une cousine... Vous savez monter à cheval ?

— Évidemment, pour qui me prenez-vous ?

— Vous pourriez aller jusqu'à l'orphelinat, avertir Mademoiselle Pony de ce qui s'est passé et leur dire que Candy est avec moi ?

— C'est-à-dire, avec ma cheville enflée, ça va être dur... fit la rouquine en boitillant.

— Vous pouvez ou vous ne pouvez pas ? »

Élisa réfléchit et une lueur étrange s'alluma dans ses yeux.

« Je vais faire ce que je peux, je dois bien ça à ma cousine... »

Les rois magesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant