Partie 13

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Depuis le départ de l'infirmière, Albert observait les deux jeunes gens qui, l'air emprunté, semblaient s'éviter : Candy, le sourire un peu crispé, le regard accroché au sien, comme si elle avait peur de rencontrer celui de Terry et ce dernier fixant obstinément un endroit précis au pied du lit, à tel point qu'il finit par y jeter lui-même un coup d'œil, s'attendant presque à y découvrir quelque déplaisante bestiole... Mais bien entendu, il ne s'y trouvait absolument rien.

« Vous deux, alors... déclara-t-il mi-moqueur, mi-moralisateur, Candy ne s'est pas plus tôt réveillée qu'il faut déjà que vous vous chamailliez?

— On ne se chamaillait pas ! protesta vivement la jolie blonde, son sourire mourant aussitôt sur ses lèvres pour  être remplacé par une moue boudeuse.

— Ah bon ? Pourtant on vous entendait jusqu'à l'autre bout du couloir ! »

Deux coups discrètement frappés à la porte dispensèrent Candy de la réplique qui lui aurait permis de clore la discussion, mais qu'elle ne parvenait pas à extirper de son cerveau encore en pleine confusion.

« Oui ? » fit-elle de sa jolie  voix claire, s'attendant, comme les deux autres à voir entrer le médecin.

Pourtant ce fut Tom qui apparut à la porte. Gauche et intimidé, il n'en dépassa pas le seuil, le visage affichant un déconcertant mélange de joie, d'effarement, d'embarras et peut-être aussi, se dit Terrence, de jalousie. Avec un profond soupir, notre acteur préféré pensa qu'il était temps pour lui de quitter la scène et il se pencha pour récupérer son sac avant de se redresser.

Candy, qui avait gentiment invité Tom à entrer, vit du coin de l'œil son Terry qui semblait sur le point de vouloir prendre la poudre d'escampette et dans un geste impulsif qu'elle n'avait pas eu le temps de préméditer, elle lui saisit l'avant-bras d'une poigne étonnamment ferme pour quelqu'un qui venait à peine d'émerger du coma.

« Reste... » murmura-t-elle en resserrant davantage son étreinte.

Elle ne pouvait le laisser partir. Puisqu'il avait décidé de venir jusqu'à elle et quelles qu'en aient été les raisons, il était hors de question qu'elle le laisse à nouveau et si vite sortir de sa vie. Hors de question, qu'elle le laisse fuir, comme elle-même l'avait fui en ce soir fatidique. Qui sait quand elle aurait l'occasion de le revoir, quand elle aurait l'occasion de sentir à nouveau battre son propre cœur de la sorte ? Elle ne pouvait se permettre de laisser Terry repartir aujourd'hui.  Elle ne se sentait ni la force ni le courage de l'attendre dix années supplémentaires !

Lui, la dévisageait, un peu hagard, indécis, n'osant croire à ce qu'une telle requête pouvait signifier.

« S'il te plaît... » insista-t-elle encore, une petite lueur d'espoir vacillant tout au fond de ses beaux yeux verts.

Relâchant un peu son étreinte, elle laissa glisser sa main jusqu'à celle de l'acteur qu'elle saisit, mêlant ses doigts aux siens. Ce dernier baissa le regard vers leurs deux mains enlacées. Son cœur faisait de tels bonds dans sa poitrine qu'il avait l'impression que tout l'hôpital résonnait de ses coups. Pour la première fois depuis bien trop longtemps il se sentit vivant.  Véritablement et extraordinairement vivant. Il avait envie de saisir Candy par la taille, là, tout de suite, de la relever et de danser avec elle, de la faire tournoyer, de l'embrasser, de...

Il revint sur terre. Ce n'était évidemment pas possible... Pas maintenant, alors qu'elle venait tout juste de sortir du coma et pas ici, devant les deux autres qui étaient en train de les observer : Albert, soulagé, son évidente satisfaction malgré tout teintée d'un certain fatalisme, et Tom... Eh bien en ce qui concernait Tom, c'était une tout autre histoire, mais Terrence, s'en fichait bien à présent... Il serra la main de sa belle en signe d'assentiment, puis se rassit à côté d'elle, incapable de retenir le sourire heureux et presque triomphal qui lui montait aux lèvres.

Les rois magesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant