Tw : suicide
Peut-être qu'un jour il arrivera à se le sortir de la tête, que ça coulera par ses oreilles. Il aimerait tellement que ça arrive, voir le liquide visqueux doucement s'échapper. Avoir l'esprit libre, sentir partir ce qui l'englue.
Seulement, c'est là. L'impression horrible d'immuabilité, d'incapacité à faire bouger tout cela. Sa cervelle, comme une pierre gluante enfonçants on crâne, qui pèse, qui pèse, qui pèse. Bientôt sa colonne vertébrale viendra la transpercer, il en est certain.
C'est à peine s'il se souvient qu'il y a une peau qui recouvre son front, c'est à peine s'il se sent constitué de chaire.
Et ça pèse, et ça pèse, et ça pèse.
Un regard vers sa mains,effleure les doigts. Les faire bouger, se rendre compte que ça fonctionne là dedans, les muscles qui se tendent, les os qui roulent, le sang qui afflue. Il pense à la magie de la vie. Non, pas à la magie. À la mécanique, tout ça n'est que mécanique. La vie n'est pas poétique, elle est animale.
Remuer les orteils.Sentir le sol, les lattes de parquet, en éprouver les nervures. Il respire, tranquillement, le souffle comme une vague, le souffle apaisant, le souffle de maman sur ses bobos. Il entrouvre la bouche.Inspire par le nez, expire par la bouche. Ça lui rappelle ses cours de théâtre, quand tout semblait si simple, être valdingué sur le plateau, sentir qu'on est là, juste là, comme l'explosion après la colère retenue trop longtemps, comme le talon qui frappe le fond de la piscine, la tête qui sort de l'eau, expulsée, les yeux qui roulent dans tous les sens, où jes uis ? Pourquoi cette lumière qui m'attaque ?
La lumière, elle est au dessus de sa tête la lumière. Une ampoule, sans abat-jour, une chose toujours repoussée à demain. Elle impersonnelle, seule, triste au milieu de ce plafond vide. Il y a quelque moucherons morts à l'intérieur, il s'est toujours demandé comment ils arrivaient à rentrer là. Un tombeau de lumière.
Il esquisse un pas. Mais ça pèse, ça pèse, ça pèse. Son talon gauche traîne au sol, son genoux se plie à peine. Un pas. Avancer un peu. Quelques pas. Atteindre la machine à café. Son bras droit se lève, se dirige vers les capsules. Différents coloris. Pilule bleue ou pilule rouge ? Il choisit la bleue, l'installe dans le réceptacle, lance l'appareil. Ce bruit, un marteau piqueur qui résonne dans sa boîte crânienne. Le liquide brun coule dans la tasse. La saisir, se brûler les doigts. Peut-être qu'un jour il pensera à attendre. Brûle les doigts, brûle l'œsophage. Peut-être qu'un jour il pensera à attendre.
Ses pieds le mènent vers le canapé. Longue traversée, voyage dans le désert. Appuie sur le bouton rouge de la télécommande. Rendez votre maison plus propre avec l'élimine poussière ! Pour le moment il n'y a pas de rats, c'est déjà ça. Il reste là,devant le télé achat, captivé par ces images, comme des tentacules s'enroulant sur son cerveau.
Les aiguilles tournent à une lenteur insoutenable. Chaque battement de paupière dure une éternité.
Ça pèse, ça pèse, ça pèse.
Son regard s'abaisse, croise l'objet posé sur la table. Sa main, automatiquement, sans qu'il semble lui avoir demandé, l'effleure, le saisit.
Il se dirige vers le balcon, ses jambes pèsent moins lourd.
Observer la rue. Inspire par le nez, expire par la bouche. Une dernière fois. Les muscles qui se tendent, les os qui roulent, le sang qui afflue, ses doigts qui, lentement, appuient sur la gâchette. Enfin, la dernière sensation, le liquide visqueux qui coule le long de son oreille.
VOUS LISEZ
Dans les corps souffle le vent
Short StoryUn jour je me suis dit que les émotions et sentiments, c'était un peu une sorte de vent qui soufflerait à l'intérieur. À l'intérieur du cœur, du crâne, et des poumons. Il paraît que mon style d'écriture est mécanique alors ramène tes boulons et ent...