CHAPITRE VIII

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Point de vue de Thomas Edison

19 Mai 2035 [ 09 : 00 ] - Le Bloc

- Il faut le punir.

La déclaration de Gally déclencha une série de protestations.

Nous étions tous regroupés dans la salle qui nous servait de réfectoire et j'assistai comme un accusé, à mon propre procès. Mon escapade de la veille dans le labyrinthe n'avait pas plu à tout le monde, Gally le premier. J'avais enfreint la règle n°3 et je devais le payer.

- Minho, l'appela Newt. Tu étais avec lui, tu as vu ce qu'il s'est passé. J'aimerais avoir ton avis.

Aussi déterminé soit Gally, il n'avait pas le moindre pouvoir juridique dans le Bloc. Et Alby étant dans l'incapacité de gérer son rôle de chef, c'était à Newt de s'en occuper.

Je n'aurais pas dû me faire de soucis, mais à en juger par le regard fuyant et le ton froid de mon ami, je restai tout de même stressé.

Passée la joie de nos retrouvailles, il avait revêtu ce masque impassible qu'il avait l'habitude de porter. Chose que je ne comprenais pas.

- Tout ce que je sais, c'est que nous sommes là depuis longtemps et que jamais personne n'avait réussi à tuer un Griffeur jusque là, répondit le coureur. Il est passé outre le règlement, mais il a aussi sauvé Alby. Et pour autant que je sache, le courage et le sens du sacrifice ne sont pas des qualités que l'on peut sanctionner.

- Alors qu'est-ce que tu proposes ? demanda Gally.

- Il faut le prendre comme coureur.

La déclaration de Minho me cloua sur place. Ce n'était pas une punition, c'était une récompense. Si sa demande était approuvée, j'allais pouvoir participer pleinement à la recherche d'une sortie.

Newt soupira quand les Blocards se remirent à émettre leurs opinions tous en même temps.

- Je pense qu'on est tous terriblement épuisés par les récents événements, expliqua-t-il. On devrait prendre une journée de repos et reconsidérer la question lorsqu'Alby se sentira mieux.

Personne n'y omit d'objection et se leva.

Seul Gally souffla bruyamment d'exaspération et c'est lorsqu'il ne resta plus que lui, Newt et moi qu'il choisit d'ouvrir sa bouche.

- Il t'a retourné le cerveau alors ? demanda-t-il de façon provocante. Tu as oublié comment le Bloc fonctionnait ? Alby sera ravi de voir que tu fais du favoritisme.

Newt ne répondit pas mais je savais que si Gally continuait sur sa lancée, cela finirait mal.

- L'histoire se répète, lança-t-il. Clay était ton ange gardien et toi tu reproduis ses gestes et bons conseils sur le nouveau, pour te sentir moins coupable.

Ce fut la phrase de trop. Je vis les yeux de mon ami se noircir de colère et alors qu'il fuyait le regard du bâtisseur jusqu'à maintenant, il se tourna et d'un geste vif, lui empoigna le haut de sa chemise.

- Je t'interdis de parler de lui, hâcha-t-il les dents serrées.

- Qu'est-ce que tu vas faire Newt ? Hein ? Qu'est-ce qu'un infirme comme toi pourrait me causer ? Qui va te protéger, maintenant ? Tu n'as plus personne. Et tu ne peux t'en prendre qu'à toi même ! C'est à cause de toi si Clay est mort.

- La ferme !

- Tu l'as tué ! Son sang coule encore sur tes mains ! Comment peux-tu vivre avec ça ? Pourquoi n'as-tu juste pas succombé à cette chute comme tout le monde l'espérait ?

Je savais que Newt allait regretter son geste, c'est pourquoi j'intervins avant qu'il ne lui envoie son poing dans la figure.

Je posai mes mains sur ses épaules dans l'espoir de le détendre.

- Calme-toi.

Mes paroles ne réussirent pas à apaiser complètement sa haine mais au moins, il lâcha Gally. Ce dernier jaugea mon regard et comprit qu'il valait mieux pour lui de quitter les lieux.

Me retrouvant seul avec Newt, j'essayai de lui parler.

- Tu sais que tout ce qu'il a dit est faux, dis-je.

- Non ... Au contraire, il a raison.

- Arrête. Rien n'est de ta faute.

- Et comment peux-tu l'affirmer, Thomas ? Tu ne sais rien de ce qu'il s'est passé !

- Je le saurai si tu acceptais de te confier ! Parle moi, Newt !

- À quoi bon ? Gally est dans le vrai sur tous les plans ! Qui se soucis de ce que je pense aujourd'hui ? De ce que je ressens ? Tout le monde me juge responsable de sa mort ! On ne me regarde plus que comme le mec à la jambe boiteuse qui n'a même pas été fichu de réussir sa tentative de suicide !

Je restai bouche bée face à sa révélation. Il n'était pas brisé, il était littéralement fracassé et chaque jour on continuait de lui marcher dessus. Je doutais qu'il soit possible de recoller les morceaux.

La mort de Clay l'avait anéanti au point qu'il n'en supportait même plus la vie.

- Tu n'as pas le droit d'abandonner aussi facilement, dis-je durement pour le faire réagir. Tu n'as pas le droit d'être égoïste.

- C'est moi qui suis égoïste ? répéta-t-il dans un rire nerveux. Tu as franchi les portes du labyrinthe et frôlé la mort sans te soucier de ce que tu laisserais derrière toi !

- Minho et Alby étaient en danger, j'essayais de les aider ! Je refusais que l'on t'arrache ce qui te donnait encore un semblant de sourire ! Toutes mes actions, tout ce que j'ai fait depuis mon arrivée au Bloc, je l'ai fait pour toi !

- Non, c'est faux ! Tu n'as pas réfléchi à ce que ton entrée dans le labyrinthe engendrerait, à ce que ta mort me ferait !

Il était bouleversé. En colère et désespéré. Il voulait continuer à me hurler dessus mais les larmes menaçaient aussi de s'échapper de ses yeux.

- Tu n'as pas pensé à la façon dont ça me détruirait, reprit-il la voix secouée de tremblements. À quel point ça allait me foutre en l'air ...

Je réalisai alors que mon sentiment de familiarité, de complicité, d'attachement à son égard n'était pas à sens unique.

Ému à l'extrême par ses paroles, je m'approchai de lui alors qu'il continuait de m'insulter à travers ses larmes.

- Tu n'es qu'un sale con et ça me tue d'avoir autant besoin de toi pour continuer à tenir debout ...

Je le serrai dans mes bras, faisant étouffer ses mots contre mon épaule. L'un contre l'autre, nos deux cœurs battaient à l'unisson, ne faisant que confirmer cette harmonie, cette symbiose qui semblait caractériser notre relation, aussi indéfinissable soit-elle.

Apaisé, je le sentis bouger légèrement jusqu'à sentir son souffle contre mon cou. Je pris son visage en coupe et déposai mon front contre le sien.

- Ça va aller, fis-je.

Il fuyait le contact visuel mais déjà de délicieux fourmillements me parcouraient l'échine et je dus me faire violence pour réfréner mon envie de l'embrasser.

J'aurai d'ailleurs très bien pu me laisser entraîner dans l'intensité de ce moment ...

Si l'alarme, signe que la boîte remontait, n'avait pas retentie.

Talk Me Down || NewtmasOù les histoires vivent. Découvrez maintenant