Texte n°6 : Par un beau matin automnal...

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Auteur : PtiteRenarde
Titre : Par un beau matin automnal...

«Thibault, il est l'heure de se réveiller...»

J'émis un petit grognement désaprobateur. Je détestais être dérangé en pleine grasse matinée ! Mais Noah, ma chère et tendre mère, était une vraie lève-tôt, et il fallait faire avec. Je n'aimais pas lui désobéir ni la peiner ; après tout ce qu'elle faisait pour moi, je lui devais au moins mon respect et ma reconnaissance, en me pliant à ses désirs et en lui rendant son sourire chaque jour. Elle était la seule personne qui comptait vraiment dans ma vie. Hormis Kitty, la voisine, mais ça, c'est une autre histoire...

Je baillai aux corneilles et me grattai furtivement la joue avant de quitter mon nid douillet. Je suivis Noah jusque dans la cuisine et me jetai gloutonnement sur mon petit déjeuner qu'elle avait déjà préparé avec amour maternel.

- Ce matin, je dois aller poster une lettre pour mon entretien d'embauche, tu m'accompagneras ? me demanda-t-elle avec entrain.

Je relevai la tête, la bouche pleine et les yeux brillants. Par ce beau temps, une promenade à l'air libre n'était pas de refus, surtout à ses côtés !

Je lui répondis que j'étais ravi de sortir quelquefois de notre studio d'étudiant clos où la place manquait parfois pour nous deux. Heureuse, elle m'ébouriffa le crâne avant de disparaître dans la salle de bains.

Noah et moi vivions ensemble depuis une douzaine d'années. En fait, elle n'était pas ma vraie mère, cela se voyait d'ailleurs au premier coup d'œil. Tandis qu'elle avait une taille haute et fine, des prunelles bleues magnifiques et une coupe carrée brune, j'étais plutôt petit et rondouillard, roux aux yeux noirs. Elle aimait bouger, profiter du temps qui s'écoulait, voir et découvrir des choses nouvelles ; je préférais ne rien faire de mes journées et squatter le canapé pendant que des images colorées et floues défilaient sur l'écran de télévision, avec un plateau de nourriture toujours à ma portée. Malgré cela, nous nous aimions mutuellement, avec une force et une évidence invincibles.

Elle m'avait recueilli par pitié lorsque j'avais perdu ma famille et ma maison. Mon refuge, c'était la rue ; mes amis, les chats errants ; mes repas, les poubelles des restaurants. Une vie de misère et de pauvreté, où je dormais sur le sol plein de microbes, blotti contre un paillasson, attendant que les passants chassent mon corps maigre et sale à coups de pieds. Personne ne voulait de moi. Sauf elle. Quand elle m'a trouvé à moitié mort sur le palier de son immeuble, elle ne m'a pas insulté ou battu comme tous les autres. Non, elle m'a parlé d'une voix douce et compatissante, et quand mon regard a croisé ses grandes iris bleutées, j'ai tout de suite su qu'elle allait m'aider à renaître.

À l'époque, elle travaillait à l'université et ses études lui prenaient beaucoup de temps. Mais elle s'est entièrement dévouée pour me loger, me soigner, me nourrir et m'élever. Bref, elle m'a adopté. Dorénavant, nous cohabitions paisiblement et chacun avait pris ses habitudes. Elle avait achevé son apprentissage dans l'économie il y a environ trois mois et cherchait à présent un bon métier pour payer nos besoins. Je ne sais pas exactement ce qu'elle avait trouvé la veille, dans son ordinateur ou dans les petites annonces du journal, mais son enthousiasme montrait que le rêve était bel et bien accessible, et cette lettre à envoyer de la plus haute importance.
*
Un quart d'heure plus tard, nous étions fin prêts et sortîmes de l'immeuble pour cette jolie balade matinale. Le soleil jouait à cache-cache derrière les nuages et les feuilles des platanes alignés au bord de la route offraient un spectacle de couleurs chaudes et dégradées. Les plus vieilles tombaient déjà, jonchant le trottoir. Mes pensées convergèrent vers l'architecture des bâtiments alentours, des murs d'un beige effrité aux tuiles crasseuses, mais Noah me rappela à l'ordre et je lui emboitai le pas nonchalamment.

Nous traversâmes d'un pas tranquille les quartiers endormis de la ville. Parfois, nous croisions des piétons que je saluais poliment, des cyclistes pressés et quelques voitures vrombissantes qui venaient troubler le calme et la sérénité du paysage. Finalement, nous arrivâmes dans une allée aux allures plus commerciales et bruyantes, où je me rapprochai bêtement de ma mère, ayant peur de me perdre. Ce qui était stupide puisque je connaissais bien le coin, mais n'est-on jamais trop prudent.

Nous atteignîmes facilement la poste et l'enveloppe de papier disparut vite fait dans la bouche de la grosse boîte de métal jaune. Ma gentille brune poussa un soupir de soulagement et frotta frénétiquement ses moufles roses l'une contre l'autre. C'était un tic chez elle, lorsqu'elle angoissait mais se sentait libérée d'un poids en même temps, elle se frictionnait les mains.

- Il n'y a plus qu'à espérer que je serai prise ! Ça te dit de fêter ça, Thibault ? La boulangerie n'est pas loin, on va s'acheter des gourmandises pour les déguster sur un banc !

Me régalant d'avance, je lui affichai mon plus beau sourire, dévoilant mes dents pâles lavées une demi-heure plus tôt. J'allais déjà les salir de sucre et de viennoiseries en tous genres...

Nous quittâmes la banque austère pour rejoindre à deux pas d'ici la boutique chaleureuse d'où émanait une divine odeur de pain croustillant. Noah entra à l'intérieur et on entendit le tintement d'une clochette en même temps qu'elle passa sur le porche. J'ignore pourquoi, mais elle me laissa dehors et m'interdis de la suivre à l'intérieur pour faire la queue. Je ne m'en plaignis pas ; l'air était bon là où je m'étais assis pour l'attendre et elle choisirait forcément notre casse-croûte en prenant en compte mes goûts.

La clochette ressonna, me faisant sursauter. Un homme au chapeau melon et portant un épais manteau noir sortit de la boulangerie, une baguette sous le bras, et accompagné de sa fi... Kitty ! Je me relevai promptement et les saluai avec gaieté. Ils vivaient dans le même boulevard que nous et ils étaient de bons amis à Noah. Son ancien professeur de piano, je crois. C'était un bonhomme fort sympathique, mais je m'intéressais dix fois plus à sa protégée chérie.

Kitty était d'une certaine façon mon amoureuse secrète. Je veux dire, je l'aimais de tout mon cœur, tout me plaisait chez elle, mais elle, ne faisait même pas l'effort de m'adresser la parole. Une jolie fille aux boucles claires et aux yeux noisette, séduisant même les âmes les plus insensibles. Telle une princesse, élégante, noble, digne, orgueilleuse et inaccessible pour les petits badauds comme moi...

- Tiens, mon cher Thibault ! Comment qu'ça va bien ? Toujours aussi en chair à c'que j'vois, tu dois peser sur la balance ! Et pas bien propre, le filou ! Et ma Nono, elle pète la forme ? Toujours à fond dans ses études ou elle s'est enfin trouvée un 'tit boulot ? Elle est dans l'économie, c'est ça ? Elle veut faire des affaires et gagner de l'argent, celle-là, hein ?

Mais laisse-moi en placer une, toi ! Comment veux-tu que je réponde à tes questions ! Quel bavard, vivement qu'on en finisse... À moins qu'il ne parle tout seul ?

- Heu...

Il poursuivait son monologue inutile sans se soucier de moi, en vérité. Je me tournai vers ma dulcinée, espérant qu'elle daigne être aimable pour une fois. Ça n'était pas gagné, elle me toisait d'un air hautain en pinçant les lèvres... ce qui la rendait encore plus belle. J'ouvris la bouche pour l'accoster timidement, mais un cri de surprise nous interrompit. Noah sortait de la boulangerie, un sachet sûrement plein de succulents desserts dans les bras.

- Ah, bonjour monsieur Paolo ! Ça faisait longtemps, vous allez bien ?

Et c'est reparti... Ils nous oublient déjà !

Kitty me lorgnait d'un œil suspicieux. Néanmoins, j'avais comme l'impression d'apercevoir une lueur d'amusement dans son regard. Est-ce que je la distrayais ?

Elle hocha la tête d'un air entendu, comme pour me dire que la discussion entre nos maîtres allait durer éternellement et que nous pouvions faire un petit tour du quartier pour passer le temps. J'aboyai énergiquement et la suivis sur le chemin en trottinant...

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~Cyclone

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