Mercredi 17 février
« On a appris pour ton père »
Ces mots raisonnent en boucle dans sa tête.
« On est tous désolés »
L'image de son père est plus forte que jamais dans son esprit.
Agathe se masse péniblement les tempes. Ses veines semblent sur le point d'exploser tant elle se retient de ne pas craquer.
« On sera tous là si tu as besoin »
La pitié qu'ils doivent ressentir pour elle en ce moment même transpire de chacun de ses pores.
Après cette découverte fracassante elle s'est ruée à nouveau sur le parking de l'hôpital, manquant soudain d'air.
Le souffle court, Agathe s'est repliée sur elle-même dans un coin désert. Mais elle se sent toujours aussi oppressée.
Il lui faut plus de trente minutes pour se calmer et oser enfin retourner vers ses amis.
En pénétrant dans le bus, elle sent tous les regards tournés vers elle. Alors que le rouge lui monte aux joues, la jeune fille se mord les lèvres pour ne rien dire et s'installe sans bruit sur un siège à l'avant du véhicule.
Ainsi hors de portée des regards dégoulinants de pitié de ses camarades, elle s'autorise enfin à souffler pour relâcher la pression.
Ils sont rapidement absorbés par leur partie de monopoly et très vite les rires reprennent de plus belle.
Agathe met ses écouteurs et monte le volume au maximum pour ne plus être dérangée par les bruits extérieurs. Un morceau des Hives démarre dans ses oreilles.
La brune ferme les yeux pour se concentrer uniquement sur la voix du chanteur. C'est sans compter sur Arnaud qui vient l'interrompre en se glissant à ses côtés.
« - Je suis désolé Agathe.
Le petit garçon la fixe de ses grands yeux mouillés de larmes. Émue, elle l'étreint sans dire un mot.
Malgré toute la douleur qu'elle ressent, elle ne pourra jamais en vouloir à son frère. Il est tout pour elle.
- Je ne t'en veux pas chaton, je comprends que tu aies eu besoin d'en parler.
- Quand on a cru que Bob était mort j'étais tellement triste que je n'ai pas pu m'en empêcher.. Pardon Agathe, je sais que tu ne voulais pas le dire aux autres.
Elle caresse ses cheveux blonds tendrement mais cela ne suffit pas à empêcher les larmes de couler. Quand elle s'en aperçoit, Agathe essuie délicatement les joues de son petit frère avant de déclarer :
- Tu peux en parler à qui tu veux Arnaud, si ça te soulage. Même à moi. Mais tu n'as pas le droit de pleurer à cause de ça, tu dois être heureux maintenant.
- Je pleure parce que je t'ai fait du mal, sanglote le garçonnet.
La jeune fille sent son cœur se serrer. Il est si lucide pour son âge. Mais elle préfère néanmoins nier ces propos pour le rassurer.
- Je vais bien, tu n'as pas à t'inquiéter pour moi chaton.
Elle serre plus fort dans ses bras le petit garçon. Luttant pour retenir ses larmes, elle se met à fredonner doucement une mélodie qui avait pour habitude de la calmer, enfant.
Sa mère la lui chantait régulièrement et c'est sans doute le seul souvenir heureux qu'il lui reste d'elle.
Au bout de longues minutes Agathe ouvre les yeux et s'aperçoit qu'elle n'a même pas entendu son frère s'éclipser.