Chapitre 8

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Mercredi 10 février

Agathe est en train d'engloutir une énième part de pizza quand la porte de la pièce s'ouvre avec violence.

Bob, qui semble furieux, entre avec précipitation dans la chambre où régnait jusqu'alors une atmosphère bon enfant.

Les quatre jeunes gens l'interrogent du regard, partagés entre curiosité et inquiétude.

« - Alors ?

Gros soupir de la part de l'arrivant.

- Ça a foiré ! Elle ne veut pas venir et je dois maintenant être catalogué comme agresseur et psychopathe aux yeux de toute la ville. Vous auriez dû voir comment cette fille hurlait !

Ses yeux brûlent de colère. Personne n'ose poser plus de questions et Bob va s'asseoir à la petite table en bois pour manger.

Pendant qu'il nourrit sa rage de pizzas, entouré d'une aura tempétueuse, Arnaud a pris le contrôle de la télécommande et zappe à la recherche d'un programme divertissant.

Il arrête son choix sur une émission de chant qui ne semble déranger personne, sans pour autant alléger l'ambiance. 

Lou et Martin discutent à voix basse, assis sur le lit jumeau de celui où est allongé le petit garçon. Agathe, elle, s'est éclipsée quelques minutes auparavant.

L'atmosphère dans la petite chambre d'hôtel reste tendue jusqu'à ce que Bob sorte prendre l'air, non sans avoir dévoré avant une pizza entière en fulminant de rage. Arnaud a même cru voir des éclairs dans ses yeux.

Bob cherche Agathe une fois sorti mais celle-ci est introuvable et sa chambre semble inoccupée.

L'homme, encore sous le coup de la colère due à son échec cuisant, s'assied dans les marches de l'escalier qui mène aux étages supérieurs. Les clefs de sa chambre sont restées dans celle de ses compagnons mais il n'a aucune envie d'y retourner. 

Perdu dans ses pensées, il triture son pendentif qui brille dans l'obscurité. Soudain une ombre s'approche. C'est Agathe qui revient de sa promenade nocturne.

- Qu'est-ce que c'est ? Demande t-elle en se mouvant à ses côtés.

- Un souvenir de ma petite amie. Sa bague de fiançailles, dit-il d'un ton neutre.

Il semble totalement absent de la discussion.

- Pourquoi est-ce qu'elle te l'a donné ? Tu es marié ? S'enquiert Agathe troublée.

Elle n'avait jamais songé que Bob avait sûrement une vie en dehors de son projet.

Il soupire :

- C'est une longue histoire.

- J'ai tout mon temps.

Après quelques hésitations, Bob se lance :

- J'ai rencontré Lucie au lycée. Nous étions fous l'un de l'autre. C'était mon premier amour et j'étais le sien. Alors nous avons emménagé ensemble après le bac, même si nous faisions des études totalement différentes. En effet, j'étais dans la génétique et elle dans le marketing. Lorsque j'ai voulu partir aux États-Unis, elle était d'accord, elle savait que j'avais besoin de faire ce voyage seul. D'ailleurs, Lucie m'a toujours compris, quoi que l'on fasse, nous étions toujours sur la même longueur d'onde. Quand je suis revenu après plusieurs mois, les choses étaient un peu différentes, mais j'étais toujours autant amoureux d'elle. Alors j'ai décidé en secret de l'épouser. Mais je ne savais pas comment m'y prendre, j'étais jeune et je savais malgré moi qu'elle s'éloignait. Et de surcroît, ma mission me prenait énormément de temps en plus de mes cours, je devais vous transmettre mon sang au plus vite alors je l'ai délaissée quelques temps. Quand je suis enfin rentré chez moi, j'ai décidé que le temps passait trop vite pour le gaspiller et j'ai arrêté de me poser des questions. Je lui ai demandé sa main.

- Et ? Demande Agathe suspendue à ses lèvres.

- Elle m'a jeté la bague au visage, soupire t-il. Elle disait qu'elle ne m'aimait plus, qu'elle m'avait perdu depuis un bout de temps et que je ne faisais aucun effort. Elle m'a quitté sur le champ et mis à la rue en criant ne plus jamais vouloir me revoir. Je n'ai plus jamais eu de nouvelles.

- Je suis désolée, déclare Agathe à voix basse.

Jamais elle n'aurait soupçonné que cet homme avait un passé aussi triste.

- Elle m'a brisé le cœur. Ça a été mon seul et unique amour. Depuis je me sens incapable de faire confiance à une femme. Mais c'est aussi elle qui m'a donné la rage de me battre pour poursuivre mon projet et je compte bien y parvenir grâce à vous. Vous êtes mon seul but dans la vie et même si cela peut paraître exagéré, je compte énormément sur vous tous. Tous ensemble nous allons accomplir quelque chose de grand et je l'espère, sauver l'humanité.

- Nous avons tous besoin des autres je crois. A ce propos, j'aimerais te demander quelque chose. Pourrais-tu ne rien dire aux autres à propos de mes parents et de mon passé ? Je n'ai pas envie que l'on me rappelle chaque jour ce que j'ai perdu. Et surtout j'aimerais qu'Arnaud puisse aller de l'avant, il est trop jeune pour ruminer ça.

Il acquiesce silencieusement. Sa colère est retombée pour laisser place à la fatigue.

Étouffant un bâillement, il s'enquiert de l'état de la jeune brune.

- Je tiens le coup et je te remercie d'être là. Mais comme je te l'ai dit, j'aimerais éviter de remettre ça sur le tapis à chaque fois. J'espère que tu comprends.

Son ton s'est fait plus distant. Elle aimerais lui parler de l'incident de la baignoire mais son instinct de conservation est plus fort.

Comme à chaque fois, elle sait que le seul moyen de chasser le chagrin et de le faire taire en le gardant au fond d'elle-même.

Exposer sa douleur ne la rendrait que plus forte.

Quelques instants passent silencieusement. Puis elle reprend la parole d'une voix qui se veut plus chaleureuse :

- Comment va t-on faire pour récupérer la fille ?

Son interlocuteur émerge de ses pensées.

- Émilie ? J'ai eu une idée. Je vais lui faire passer un casting pour une pub ou une émission de télévision. Forcément elle sera sélectionnée et viendra avec nous.

- Et quand elle se rendra compte que c'est un mensonge ? Tu sortiras ton histoire d'indiens et de pouvoirs magiques ?

- Non, quand elle s'en apercevra il sera déjà trop tard. Je vais prévenir sa famille qu'elle part pour au moins trois mois et je me débrouillerai pour qu'elle ne puisse pas communiquer avec l'extérieur.

La jeune fille frissonne. Il a pensé à tout mais quelque chose la met mal à l'aise. Avait-il préparé ce genre de scénario pour elle aussi ? Au cas où elle refuserait.

- Qu'est-ce que tu en penses Agathe ?

- Ça ressemble fortement à un enlèvement.

Un silence pesant s'installe. Ces mots ont brusquement remis à Bob les pieds sur Terre.

Il réfléchit à toute allure à une nouvelle solution. Agathe peut distinguer dans l'obscurité une petite veine qui se contracte sur sa tempe.

Elle n'ose pas le déconcentrer, craignant d'affronter encore une fois sa colère.

La jeune fille se lève sans bruit pour rentrer. Il commence à faire froid dehors et la nuit est déjà bien entamée. Mais l'homme la retient fermement par le bras. Ses doigts sont gelés.

- Je n'ai pas de meilleure idée, alors il faudra la convaincre comme je vous ai convaincus de me faire confiance. »


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Classé #499 le 25/04/16

Merci à tous vous êtes géniaux !

Ça compte vraiment beaucoup pour moi que cette histoire vous plaise ! Comme toujours n'hésitez pas à me donner votre avis 😊

Bisouuuus

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