XIII

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Je me rends compte maintenant que les choses prennent une tournure tout à fait différente lorsque vous savez, ou sentez que la fin est proche. Je n'avais pas fermé l'œil de la nuit, j'avais écouté le vent souffler dehors, étudié les mouvements de la lune et mémorisé l'architecture de ma chambre. C'était devenu mon endroit préféré, suivis de près par la bibliothèque il est vrai. Mais tout de même, elle était si immense, le lit tellement confortable et réconfortant par la même occasion. Lorsque je plongeais sous les couvertures, quand je m'allongeais de tout mon être sur la surface du matelas et me sentais m'affaisser dans son intérieur ... tout cela allait me manquer.

Finalement je m'étais habitué à tout ce luxe et aux richesses, pour sûr le retour à la maison serait plus difficile que je ne l'avais imaginé avant tout cela. Bien sûr le bonheur de retrouver les miens comblerait toutes mes autres lacunes. N'est-ce pas ?

« Monsieur Styles a une mine affreuse ce matin, il est bien pâle les domestiques racontent que les cicatrices se seraient ouvertes, ou que nous n'ayons pas bien désinfectés en refermant, je dois avouer que je commence moi-même à prendre peur ... »

Au petit matin Madame Lansbury parlait énormément, les réponses des domestiques pendaient dans les airs et ne cessait les aller-retours devant la porte de ma chambre.

« Big Ben causait encore qu'il avait surpris la p'tite Belle s'enfuir cette nuit, paraît que le Maître lui a couru après en culotte courte ! parvenais-je à entendre entre la cloison, une voie de jeune fille que je ne connaissais pas vraiment.

- Ne dites pas de sottises enfin, mademoiselle Belle a déjà subi les blessures d'une première fuite, elle connaît les dangers de la forêt.

- N'empêche que ce s'rais bien romantique ! rappliqua la jeune voie.

- Il s'agit de notre maître, et même s'il serait fort plaisant de l'imaginer, je crains que vous vous mépreniez. Plions ces draps, cancaner n'est pas ce que je préfère. »

Je m'étais préparée moi-même ce matin, j'avais brossé mes cheveux à ma guise et choisis la robe bleutée que je préférais. Elle scintillait et la mousseline caressais ma peau à travers mes bas. Elle me tenait chaud et me faisait sentir femme en quelques sortes. Je n'aurais certainement plus jamais l'occasion de retrouver pareil confort et même si je repartais avec quelques robes en valises elles auraient vite fait de terminer en lambeau. Je regardais alors mon reflet dans le miroir avec rêverie et beaucoup de douceur, je su à cet instant que je chérirais cet instant toute ma vie durant.

Lorsque j'eu terminé de pincer mes joues pour leur donner une tinte rosée, quelques coups furent frappés à ma porte, il ne devait pas être bien tard dans la matinée puisque je n'avais pas encore entendu le bruit des cuisinières entrechoquant les casseroles, ni l'odeur, ni les bavardages qui émanait des cuisines.

À mon plus grand étonnement le Maître se tenait sur le seuil de la porte, fort bien habillé et peigné pour l'occasion.

« Bonjour Mademoiselle, je n'espérais pas vous déranger vous sembliez très fatiguée dans la nuit, me dit-il en me saluant.

- Il est vrai Monsieur, mais j'ai fort bien dormis et c'est le lever du jour qui m'a ôté de mes songes. Je n'espère pas avoir tourmenté votre nuit Monsieur.

- Nullement, il y a fort longtemps qu'elles n'avaient pas été aussi mouvementées. Mais tout comme l'ensemble de ce château, elles avaient grand besoin de vous pour les sublimés, déclara-t-il.

- Si je ne me trouvais pas dans ce château depuis si longtemps je trouverais certainement votre phrase très déroutante et bien mal avisée.

La Belle et La BêteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant