Chapitre 11 : Malade d'amour

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Média : via tumblr → Ryan (Ray Diaz)

Musique de fond : Je suis Juif, Armand Amar (BO Un sac de billes)
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Après deux années à la fois courtes et longues aux côtés de Victor, il avait déménagé. En plus de savoir que je ne devais pas l'aimer, la distance mettait ma santé mentale à rude épreuve. Comme a dit Lamartine : « Un seul être vous manque, et tout est dépeuplé ».

Dieu ! je n'en pouvais plus d'être amoureuse. Tout ce que je souhaitais, c'était que ça s'arrête.
Mais allez faire comprendre ça à votre cœur !

***

Oublie-le oublie-le oublie-le oublie-le
oublie-le oublie-le oublie-le oublie-le
oublie-le oublie-le oublie-le oublie-le oublie-le
oublie-le oublie-le oublie-le oublie-le
oublie-le oublie-le oublie-le oublie-le oublie-le
oublie-le oublie-le oublie-le oublie-le oublie-le oublie-le oublie-le oublie-le oublie-le
oublie-le oublie-le oublie-le oublie-le
oublie-le oublie-le oublie-le oublie-le oublie-le

J'avais écrit ces mots des dizaines, des centaines de fois dans un journal que je martyrisais et qui semblait périr en une lente agonie. Comme si le fait d'écrire pouvait me faire moins ressentir ! J'appuyais ma plume sur le papier jusqu'à ce qu'il se déchire, et l'encre qui se déversait sur les lignes aussi régulières que mon humeur était changeante prenait le relais de mes larmes. Je faisais souffrir le dictionnaire complet, j'empruntais tous les mots du champ lexical de la souffrance, de la haine, de l'amour pour les jeter dans la fosse de ma dépression.

J'employais toutes les figures de styles possible : les métaphores, les oxymores, les hyperboles, les énumérations, les litotes, les parallélismes, les chiasmes, autant de procédés pour tenter de définir la peine qui m'accablait.

Les mots étaient mes seuls remèdes, mes seuls soldats et compagnons dans cette bataille d'une envergure telle que je ne parvenais à en voir même la fin à l'horizon. Ils me soutenaient, ils tentaient, même si c'était en vain, d'approcher la compréhension de ce qui me rongeait de l'intérieur pour s'en défendre.

En vérité, je me noyais dans mes émotions. Plus le temps passait, moins je parvenais à sortir son visage d'ange parsemé de tâches de rousseur de mon esprit. J'avais récemment supprimé mes réseaux sociaux ; je passais ma vie dessus, à en oublier le monde réel, et je n'avais donc plus moyen de garder contact avec lui. Même s'il était gay, cela n'avait pas empêché qu'il m'apprécie en tant qu'amie, et nous avions tissé des liens forts. Seulement, ayant déménagé en Suisse, je ne pouvais désormais lui envoyer de messages sans que cela soit surtaxé.

Quelque part, je m'astreignais à cette rupture définitive entre nos deux monde ; je savais que jamais, jamais, nous ne pourrions être ce que j'aurais souhaité. Je n'avais pas envie de me lier encore plus à lui.

Et pourtant, chaque jour passé accumulait un peu plus de peine sur mes épaules. J'aurais voulu me débarrasser de cette douleur comme d'une veste, la déposant sur un porte-manteau dès que sa charge me paraissait de trop. Mais c'était impossible.

***

«On m'avait dit : "te pose pas trop d'questions
Tu sais petit, c'est la vie qui t'répond
À quoi ça sert, de vouloir tout savoir ?
Regarde dans l'air et vois c'que tu peux voir !"

On m'avait dit : "'faut écouter son père"
Le mien a rien dit quand il s'est fait la paire...
Maman m'a dit : "t'es trop p'tit pour comprendre"
Et j'ai grandi avec une place à prendre»

Je regardai l'écran d'accueil de mon téléphone d'où s'affichaient les paroles de Qui a le droit de Patrick Bruel. Cette musique me donnait des frissons tant je me retrouvais dans ce qu'il expliquait. L'absence d'une deuxième figure parentale implique forcément un vide impossible à combler.

J'aimais beaucoup cet homme pour son talent, tant de chanteur que d'acteur. Il avait joué plusieurs rôles à couper le souffle. C'était indéniable, il était doué. Le dernier film que j'avais vu auquel il avait participé, Un sac de billes, m'avait laissée en larmes.

Depuis petite, je rêvais de devenir actrice. Je suppose que tout le monde est passé par là, mais pour moi, ce rêve persistait. Je rêvais de pouvoir faire rire aux éclats ou faire monter les larmes aux yeux des visionneurs de mes films. Seulement, je savais pertinemment que je n'avais pas le physique nécessaire à cela, et une timidité certaine face aux foules refoulait ce projet de carrière loin, loin, bien trop loin de ce qui était envisageable.

Mon téléphone vibra et je sursautai. Je le déverrouillai et le nom de Ryan s'afficha dans ma barre de notifications.

Wesh Al', ça va ♡ ?

Oui et toi ♡ ?

Yup. Tu viens au match samedi ? ;)

Ryan était un ami avec qui j'avais joué au handball pendant très longtemps. J'avais arrêté depuis peu en raison de problèmes au genou, mais je continuais de venir soutenir l'équipe masculine et féminine de mon club.
Je répondis donc positivement à sa question.

Ouais, je vais essayer !
Tu sais si Noah vient ?

Je crois. J'suis pas sûr. Il a peut-être
une compet' de natation aussi...

Ok ben j'espère que nan,
ça serait con :/


Noah venait assez souvent avec moi pour les regarder jouer. On aimait bien noter les joueurs pour leurs qualités et on faisait des battles entre nos favoris. C'était super drôle.

Je te tiens au courant ;) Juste, pour
que tu saches... y'aura Léandre

Sérieux ?! Fuuuck... t'aurais
pu me prévenir avant que je
te dise que je viendrai ! :@

C'est bon, Al', tu peux passer
au-dessus de ça, hein ! Je suis sûr
que tu le verras même pas t'façon.

J'rigole pas, Ryan, j'veux
pas le voir. T'as intérêt à
me ramener des Twix pour
te faire pardonner ! e_e

T'inquiète Alice, je le laisserai
pas s'approcher de toi. Par contre,
pour les Twix, rêve toujours :D

Léandre. Léandre. Un autre prénom, une autre personne que j'aurais aimé effacer à jamais de ma mémoire.

Un mal de cœur me reprit. J'avais l'impression que j'allais vomir. Est-ce que les regrets peuvent rendre malade ? Est-ce que l'amour le peut ?

***

NdA : Je sais, mes deux derniers chapitres sont un peu déprimants, mais bon... On ne passe au-dessus de sa peine en un claquement de doigts. J'espère que c'est pas trop pénible à lire ! ;)

ALICE ET CE SALOPARD DE CUPIDONOù les histoires vivent. Découvrez maintenant