Chapitre 8 : L'incarnation de la beauté même

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Média : via tumblr
Musique de fond : Hanging Tree, James Newton Howard (BO The Hunger Games)
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Le soir venu, Noah rentra chez lui. Ma mère, pour une fois, ne travaillait pas dans la soirée, alors je me décidai à lui mettre la pression jusqu'à ce qu'elle accepte de faire une soirée télé. De ce côté-là, on était une famille assez atypique. Mère comme fille, on ne regardait jamais les programmes télévisés.

Et puis, pour ce que j'avais vu chez des amis, entre toutes ces télé-réalités insipides et les chaînes de musiques qui diffusaient des musiques auto-tunées en boucle... je ne ratais pas grand chose. Les seules fois où l'on allumait cette télévision qui trônait en face du canapé, au milieu du salon, c'était pour regarder des débats politiques ou des reportages d'histoire.

Ha ! J'imagine déjà votre tête, sourcil gauche relevé, sourcil droit baissé et yeux écarquillés. J'étais probablement la seule personne en dehors de la zone d'âge 70-120 ans à regarder Stéphane Bern de mon plein gré (si, si ; je vous assure que mon pépé ne m'avait pas menacée de me renier si je ne le faisais pas !)

Je trouvais l'histoire passionnante et la politique primordiale. Beaucoup pensent que la politique est barbante, mensongère et inutile. Je vous l'accorde pour les deux premiers adjectifs, mais pour le reste, la politique, ça reste vachement important. Sans t'y intéresser, tu laisses quand même des gens décider pour toi sans avoir toi aidé à décider qui sont ces gens !

Mais ce soir-là n'était pas de ceux où l'on regardait des débats ou Secrets d'histoire. Je réussis à convaincre ma mère de regarder le premier Hunger Games. On ne l'aurait pas dit, comme ça, mais c'était une victoire extrême. Ma mère détestait les histoires qui ne prenaient pas place dans le monde actuel ou passé.

J'avais lu les livres, et vu les films, et je trouvais la critique de la nature humaine dedans tellement probable et effrayante de vérité que j'avais envie qu'elle les découvre.

***

Quelques jours plus tard, je partis en quête du domicile de Sam aka M. Stupide aka le Viking.
Après vingt minutes de marche, j'arrivai enfin devant une deumeure d'architecture ancienne pleine de cachet, dont le portail qui devait faire deux fois ma taille indiquait le nombre 19 en grandes lettres dorées.

Ça devait être ça. En tout cas, ça ressemblait vachement à la description que m'en avait fait Noah. Une sonnette se trouvait sur le muret. Je sonnai, et une jolie dame blonde d'une cinquantaine d'années m'ouvrit avec un sourire.

Étant donné la couleur de ses cheveux et la manière dont sa joie droite s'était creusée d'une fossette, je présumai qu'elle était la mère de Sam.

J'entrai en matière avec autant de grâce que possible :
« Bonjour Madame, je viens voir votre fils. C'est un ami commun qui m'a donné votre adresse, comme Sam n'a apparemment pas de téléphone ni d'ordinateur.
— Oh, bien sûr, entrez. Vous venez pour l'école ?
— Non, pour la natation, Noah, notre ami commun, m'a chargée de lui remettre des documents de sa part puisqu'il était absent au dernier entraînement. »

La mère de Sam me fit entrer et me mena dans la cour d'où l'on apercevait de magnifiques fenêtres à meneaux, puis dans un salon au mobilier charmant.

Elle m'indiqua d'un doigt à l'ongle parfaitement manucuré un splendide escalier en colimaçon et me dit :
« Montez, Samuel est dans sa chambre. Troisième étage, première porte à gauche.
— Merci beaucoup ! », la remerciai-je en commençant mon ascension.

Normal qu'il ait les jambes d'un tyrannosaure s'il montait des escaliers comme ça tous les jours avec nos dix tonnes d'affaires de cours. Arrivée au palier du deuxième étage, un murmure se faisait entendre. Il me semblait que c'était du piano. Je montai jusqu'au troisième, et là, dans l'embrasure de la porte, je vis Sam de profil.

Ses mains volaient sur le clavier. Les yeux fermés, il se perdait dans ce qui semblait être l'une de ses compositions. J'avais l'impression horrible de violer une partie de sa personne en écoutant cela, et pourtant, je restai plantée là, subjuguée, dans un coin de la pièce, à regarder ses doigts effleurer ou enfoncer avec force les touches de son piano dans une danse toujours plus effrénée. Sa tête bougeait au gré de la mélodie, et dans cet instant, il était plus beau que jamais.

Quelques mèches de ses cheveux aux boucles blondes retombaient sur son front couleur d'albâtre. Je voyais sa tempe battre, et à en croire la vitesse de ses palpitations, son rythme cardiaque équivalait au mien, que je sentais s'accroître au fur et à mesure de la progression de la puissance de son jeu.

Je fermai à mon tour les yeux et me laissai entrainer dans la musique. Il était indéniablement doué. La seule chose que je désirais, à partir de là, c'était de rester là à jamais, à écouter l'incarnation de la beauté même.

Je me demandai s'il se rendait compte de son talent. Je pensai en souriant à l'enlever pour en faire mon pianiste et qu'il puisse me jouer du piano jusqu'à ce que je meure. Quand j'arrivai à la conclusion que ce serait sans doute compliqué au vu de ma force et de la sienne au moment où je rouvrais les yeux, la dernière note tomba et fractura l'espace-temps.

Sam resta assis cinq bonnes minutes sans faire un geste. Puis il finit par ouvrir les yeux. Je me trahis en changeant d'appui, ce qui fit grincer le parquet. Il se retourna, lentement, et je piquai un fard, me sentant curieusement coupable d'avoir assisté à cette scène.

« Alice.
- Heuh... en fait, c'est ta mère qui m'a dit de monter, et...
- Laisse tomber, dit-il froidement. Entre. »

J'entrai. La chambre, de style tout aussi ancien que la maison, était tout aussi belle. Le bleu ciel des murs tranchait avec le blanc vernissé du piano et des meubles de style Louis XVI.

Je remarquai que sur le plafond, au-dessus de son lit, Sam avait dessiné les principaux schémas d'étoiles qui parsemaient le ciel.
Il avait aussi fixé des posters, tickets de cinéma et d'avion sur la porte blanche d'un dressing. Le reste de l'ouverture du dressing était constitué des miroirs, ce qui agrandissait et éclaircissait d'autant plus la pièce aux proportions déjà impressionnantes.

Sa chambre était organisée à la perfection. Je pensai qu'il ne fallait surtout pas que ma mère découvre jamais qu'un ado de mon âge savait faire ressembler sa chambre à une pub IKEA©, parce que sinon elle allait devenir insupportable jusqu'à ce que j'arrive au même résultat.

Sam me coupa net dans ma réflexion angoissée avec une phrase d'un grâce incomparable :
« Qu'est-ce que tu fous ici ? »

ALICE ET CE SALOPARD DE CUPIDONOù les histoires vivent. Découvrez maintenant