Chapitre 12 : Léandre, ou l'illusion

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Média : via pinterest → Léandre
Musique de fond : High hopes, Kodaline
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Léandre.

J'allais revoir Léandre. Comme si je ne souffrais déjà pas assez de l'absence de Victor, il me fallait un rappel de la souffrance que j'avais connue avec Léandre. Qu'on ne me dise jamais qu'on ne peut avoir le cœur brisé à quatorze ans. Qu'on ne me dise jamais qu'à cet âge-là, on n'est pas capable de tomber amoureux de tout son être — que ce soit d'un véritable être ou d'une illusion.

Parce que tomber amoureuse d'une illusion à quatorze ans, je l'avais fait. Je l'avais fait, et je l'avais fait passionnellement. Et je vous assure que de se relever de cette chute m'avait pris bien plus que 365 jours. Il faut dire que reformer un cœur n'est pas une mince affaire.

Et bien trop tôt, à peine remis de ses blessures — si tant est que ce soit possible —, mon cœur retomba dans les filets de l'amour, ce tentateur démoniaque. Victor m'avait à son tour rendue malade d'amour. Pour à nouveau me perdre.

L'amour. Ce mot gardait un goût amer, peu importe tout ce qu'il avait pu m'apporter de positif. Et ce fut le cœur plein d'appréhension que je me mis en marche en direction de la salle de sport. Ryan et Noah m'attendaient déjà à l'intérieur. Et... Léandre aussi, apparemment. Arrivée à la porte du gymnase, je m'arrêtai et m'astreignis à prendre une longue respiration dans l'espoir de me calmer. Mon cœur battait si fort que je sentais le sang pulser dans mes jugulaires. J'avais l'impression qu'il tapait contre mes côtes, comme s'il rêvait se faire la belle.

"Tu ne le regarderas pas, tu ne lui parleras pas. Tu ne le regarderas pas, tu ne lui parleras pas. Tu ne le regarderas pas, tu ne lui parleras pas."

J'étais déterminée. Je ne devais pas le regarder. Je ne devais pas lui parler. Parce que si ni l'un ni l'autre n'avait lieu, alors je pourrais prétendre que cette après-midi n'avait rien eu de spécial. Mais malgré toute ma détermination, le mal était fait. Maintenant que je savais qu'il était là, je savais que mon regard allait dévier vers lui, parce que j'étais stupide, et que j'avais comme envie de vérifier s'il avait encore la même attraction sur moi.

Au fond, je me doutais que c'était le cas. Rien que de penser à lui me faisait souffrir — j'avais l'impression qu'il ne restait que des éclats de mon cœur, qui me déchiraient de l'intérieur ; de toute évidence, le fait de le voir serait pire. J'avais déjà une boule au ventre et les yeux au bord des larmes.

La voix du sarcasme s'éveilla en moi et me chuchota d'espérer qu'au moins Ryan m'aurait amené des Twix, histoire qu'il y ait une bonne nouvelle dans l'après-midi. C'était idiot, mais ça me garantirait une distraction, même si je savais que ça ne durerait que quelques secondes. C'était quelques secondes de répit. Une pause bouffe, ça fait toujours du bien même si c'est insignifiant. Ça donne un semblant de contenance.

J'aggripai la poignée glacée et poussai enfin la porte en fermant les yeux pour refouler les larmes qui y montaient. Je finis par les rouvrir, et les levai vers les gradins dans l'espoir d'y trouver la grande silhouette de Noah. Bingo ! Il était là, à côté de Ryan, en train de siroter une canette de soda.

Je les voyais discuter avec animation, commentant le match en cours. Noah gesticulait au point de chasser les mouches, comme à son habitude. Je montai les marches et les rejoignis.

« B'jour Alix, lança mon meilleur ami avec un clin d'œil de bienvenue.
— Salut, Al' ! » ajouta Ryan.

Mes lèvres s'étirèrent en un sourire timide. Seulement, ma dentition fut très vite recouverte par celles-ci lorsque j'aperçus son visage angélique sur le terrain. Il n'avait pas changé. Il dribblait, zigzagant entre les joueurs de l'équipe adverse avec habileté. Des gouttes de sueur brillaient sur son front, légèrement plissé par la concentration. Il jouait à corps perdu, et dans l'action, il était encore plus attirant.

ALICE ET CE SALOPARD DE CUPIDONOù les histoires vivent. Découvrez maintenant