✅ Chapitre 6

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"Il est beaucoup moins indécent de coucher ensemble que de se regarder dans les yeux."

Boris Vian

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Si quelqu'un était passé sur ce petit sentier et que cette même personne avait tourné légèrement le regard vers la droite, elle aurait vu deux corps d'étrangers à la ville de Cursey endormis. Heureusement pour Akheane et Arcas, personne ici n'avait pour passion la marche à pied. Ils étaient posés à l'instar des feuilles mortes quelques mois plus tôt, portés par le vent de leur fuite, le souffle de leur course contre le temps qui se finirait lorsque celui-ci les rattraperait.
Cependant, qui aurait pensé que ces esprits échoués changeraient le cours naturel de ce temps, le faisant dévier ou parfois accélérer selon la montre de leur cœur ? Qui, je vous le demande ?
Ils étaient comme une couleur vive parmi des nuances de noir, gris et blanc. Ou comme une couleur jusque-là inconnue, qui détonnait de manière ostensible parmi d'autres plus fades.

Un oiseau s'envola sous la lumière caressante du soleil qui plongeait vers le sol afin de mettre un terme à cette journée. Un orage approchait, lentement, imposant un grondement bas, puissant à en faire trembler le sol.
Il était à peu près dix-neuf heures quand les deux jeunes gens se relevèrent en sursaut, sur le qui-vive, le premier éclair avait éclaté à une vingtaine de kilomètres, mais Arcas et Akheane avait l'ouïe fine et ils étaient des créatures surnaturelles, après tout. Sans compter qu'ils étaient à l'affût de potentiels ennemis.
Bref, il furent surpris et décidèrent d'un commun accord de reprendre la direction du camp des Révoltés.
Akheane adorait la manière qu'Arcas avait d'être bougon au réveil. L'expression "ours mal léché" prenait tout son sens. Il avait les cheveux en bataille, les yeux brillants et les sourcils froncés. Vraiment la tête de quelqu'un qui venait de se réveiller.
Elle prit sa gourde d'eau et but une gorgée dedans avant de la tendre à son compagnon de voyage qui en fit tout autant.

Ils se remirent en route assez rapidement. À une vitesse bien plus soutenue que ne l'aurait été celle d'une humaine. La jeune femme songea qu'une fois à Mâcon, elle devrait s'occuper de la vérification des plaies d'Arcas. À priori, ils prendraient une grande pose dans un hôtel là-bas. Le ciel s'obscurcissait de plus en plus, sans que les deux fugitifs ne puissent voir la moindre petite étoile. Le voile de la nuit tombait en même temps que celui de l'orage.
Akheane entendait les éclairs approcher, elle savait qu'il en était de même pour Arcas. Leur marche était silencieuse, et tous les animaux aux alentours s'étaient cachés ou avaient fui. Le vent, à la vitesse de la lumière, tombait par raffales dans leur nuque, et les cheveux d'Akheane volaient dans tous les sens, lui donnant un aspect mystique de par le halo brun qui entourait son visage. Cela la força à remettre encore plus régulièrement que d'habitude ses cheveux derrière ses oreilles.

Ils s'éloignaient assez rapidement de l'orage avec une vitesse surnaturelle. Le vent s'était calmé, et le peu qui restait les poussait à accélérer la cadence. Ils approchaient de la ville de Mâcon où ils allaient pouvour se reposer.
Sans s'arrêter, ils trottinaient jusqu'à leur but, se jetant tout le long du chemin des coups d'œil, tantôt l'un tantôt l'autre, et lorsque leur regards se croisaient pendant ces instants d'égarement, ils se séparaient prestement d'un mouvement gêné. Il n'y avait pourtant rien d'incroyable dans ces regards, mais une atmosphère assez spéciale semblait planer entre eux pour instaurer un règne de tension et d'appréhension.
Arcas connaissait très précisément la source de ces sentiments qui leur menaient la vie dure, mais il attendrait d'être à l'hôtel pour en parler avec la jeune femme. Elle devait être dans des conditions optimales pour l'apprendre, cela pourrait avoir un résultat catastrophique si elle décidait de le fuir juste après. Alors il patientait, traînant son secret dans sa valise, un peu plus lourd à chaque seconde.

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