✅ Chapitre 10

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L'on fait plus souvent des trahisons par faiblesse que par un dessein forcé de trahir.

François de la Rochefoucauld

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Quelques minutes plus tard, dans un grand silence, Sym se leva. On aurait dit que ses blessures n'avaient jamais existé. Son regard glissa lentement sur les deux compagnons dont il savait que leurs destins seraient très étroitement liés, au moins autant qu'il savait que lorsqu'ils se réveilleraient, lui ne serait plus là. Il aurait disparu dans quelques secondes. Une ombre apparut, couvrant un espace de plusieurs mètres, un vent puissant se leva à cet endroit précis sous les battements d'ailes du monstre volant au-dessus de sa tête. Sym bondit vers le haut, au-dessus des arbres, mais il ne retomba pas. Il avait disparu sur le dos de sa monture aérienne. Sym était parti.

Sym était parti car tout était prévu. Depuis le début, tout ce qui s'était passé avait été calculé, deviné, et pour l'instant, le plan fonctionnait à merveille. La Symbolique lui avait dit vrai. Mais elle lui avait aussi dit de s'éloigner rapidement. Sa mission ici était terminée, et de toute manière, il n'avait jamais aimé les métamorphes.  Ces êtres primitifs et sans aucun savoir vivre... Les hybrides le dérangeaient moins car ils étaient souvent plus civilisés. Bref, il n'avait de toute façon pas souhaité s'éterniser.

Le calme qui avait pris possession du lieu se dissipa. Les oiseaux se mirent à chanter à nouveau, les petits insectes à grouiller dans un monde invisible à l'homme, les grenouilles à baragouiner leur étrange mélodie. Les arbres dansaient en silence, mouvant leur bras avec délicatesse au gré de la douce brise. Les gros animaux herbivores tel que les cervidés et les sangliers contournaient l'endroit par peur que l'ours qui s'y reposait ne décide de se nourrir de leur chair.

Pourtant, celui-ci n'était pas près de bouger. Lorsqu'il se réveilla, il ne fut pas du tout étonné de découvrir l'absence de Sym. Il s'en était douté autant qu'il doutait de la Symbolique, et du reste du monde. Dès qu'il faisait confiance, trahison s'en suivait. La preuve la plus récente était Akheane. La doctoresse qui lui paraissait si honnête de prime abord lui avait sciemment menti, et ça, il n'était pas près de l'avaler. Lui mentait. Il en avait le droit. Arcas était sans conteste bien plus puissant, et cela lui octroyait le pouvoir de mentir.

C'était bien pour que la jeune femme ne le sache pas qu'il n'avait jamais ouvert totalement le lien. Il avait bien tenté d'accorder un peu de sa confiance à l'hybride, se laissant tromper par son apparente innocence, mais on ne l'y reprendrait plus. Elle était mignonne, il l'aimait bien, mais il ne fallait pas en attendre plus de lui après lui avoir fait un coup pareil. L'ancien mercenaire fit glisser son regard d'ours sur le corps endormi de sa protégée-menteuse, et sa mâchoire se crispa durement. Il avait soif de sang et de combat. À chaque pensée dirigée vers la belle brune, son cœur et son esprit criaient vengeance.

Puis, cette dernière s'éveilla lentement. Ses paupières papillonnèrent délicatement. 《Au risque qu'elles se froissent.》pensa l'homme. En la voyant si fragile, sa rancune s'évapora. Évidemment. Certainement qu'elle n'avait pas pensé à mal en lui cachant la vérité.
La jeune fille poussa un gémissement ténu, puis commença à se redresser lentement. Poussant sur ses bras frêles, tentant de s'élever vers le ciel. Arcas se retransforma en humain, enfila son pantalon, vint se placer derrière elle et mit ses jambes de chaque côté de la doctoresse. Avec une délicatesse presque infinie, il l'attira contre son torse.

Il ramena à lui un de leur sac à dos et chercha de la nourriture dedans. Il trouva du pain et il rompit un petit morceau qu'il mit directement dans la bouche d'Akheane. Sa tête reposait mollement contre la poitrine de son compagnon qui la forçait à mâcher à l'aide de ses mains. Il répéta l'opération plusieurs fois, tentant de lui faire récupérer ses forces, jusqu'à ce qu'elle mette une de ses mains sur la sienne, lui intimant ainsi que c'était assez pour elle. Suite à cela, l'homme posa son menton sur le sommet de la tête de la jeune fille.

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