✅ Chapitre 9

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Tout refus de communiquer est une tentative de communication ; tout geste d'indifférence ou d'hostilité est appel déguisé.

Albert Camus

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Arcas tournait en rond. En ce tôt début de matinée, il avait pu réfléchir à ce qu'il s'était passé l'esprit reposé. Il était l'âme soeur d'une sorcière-vampire. Celle-ci ne lui en avait rien dit. Cela l'énervait au plus au point. Il aimait savoir et détestait par-dessus tout les gens qui faisaient des choses dans son dos. Or, Akheane l'avait bien eu. Il n'avait rien soupçonné, et ce, même en contact avec son esprit. Il n'avait pas vu la moindre trace de cette facette d'elle avant le soir précédent.
L'homme ne savait pas s'il arriverait à lui faire confiance après cela.

Tout le monde avait ses petits secrets, certes, mais accepter cela était trop dur. Il avait un pincement au coeur à chaque fois qu'il lui jetait un petit coup d'oeil et que cela lui rappelait son mensonge. Il s'était trompé à son sujet en la croyant honnête, et il peinait à l'admettre. Il avait été blessé dans son amour propre, et ça, il ne parvenait pas à l'encaisser. Normalement, c'était lui qui mentait et trichait, pas les autres. Lui qui blessait et manipulait, pas les autres. Il aurait dû être le maître de la situation. Or, il avait été trahi.

Arcas ne supportait pas l'idée d'avoir été trompé. Comment avait-il pu se laisser prendre? D'autant plus que maintenant qu'elle était inconsciente, il ne pouvait pas voir ses pensées. Enfin si, mais ce n'était qu'un entrelacs de mots et d'images incompréhensible. Il voulait qu'elle se reveille pour lui demander des explications. Cela le torturait d'avoir la jeune femme sous les yeux sans rien pouvoir faire. Agir. Il voulait agir pour comprendre. Pourquoi lui avoir menti ? Elle avait intérêt à avoir une sacrément bonne raison !

Sa rage le consumait, alliée à sa fatigue, si bien qu'il décida de se transformer. Dans le pire des cas, il était dans un parc national, un ours passerait inaperçu. Il ferait juste en sorte de garder un minimum le contrôle. L'ancien mercenaire avait tué assez d'innocents par le passé. D'un seul coup, il grossit, devenant six ou sept fois plus imposant, tandis que son dos se courbait et se couvrait d'un pelage brun et dur. Sa tête s'arrondit en triplant de volume, une large truffe noire et brillante tronant au milieu de son visage, et de petites oreilles rondes l'encadrant.

Ses pattes se posèrent au sol, laissant derrière elles une profonde empreinte aux longs doigts griffus, et soulevant un léger nuage de terre. Ses yeux étaient deux billes rondes, et leur couleur était l'unique chose à ne pas avoir changé durant cette transformation. Leur vert pâle et transperçant laissait entrevoir un aperçu de la malignité de la bête, mais surtout de son anormalité. Un ours aux yeux vert clair, ça ne s'était jamais vu. Il bondit en avant et s'enfonça au milieu des arbres en poussant un rugissement de colère.

Lorsqu'Akheane se réveilla, une heure ou deux plus tard, elle sentait une chaleur irradier dans tout son corps à un point tel qu'elle ne sentait plus ses blessures par balle de la veille. Elle sentait contre son bras un poil dru la chatouiller. Elle tourna lentement la tête et vit un grizzly collé à son dos.
La doctoresse eut premièrement un mouvement de recul, puis elle croisa le regard de l'animal, perçant et tendre à la fois, avec peut-être une certaine distance. C'était la première fois qu'elle voyait à quoi ressemblait son compagnon de route depuis le début de leur escapade.

La jeune femme sentit l'esprit de l'ours entrer en collision avec le sien. Il était content qu'elle aille bien, ravi qu'elle soit réveillée, furieux et déçu qu'elle ait menti, impatient qu'elle lui explique. Alors elle décida de lui montrer un souvenir. Il datait de quand elle était petite. Elle ne savait toujours pas comment elle avait fait pour exister car en général, les espèces différentes ne pouvaient pas procréer entre elles. Ce jour là, elle devait avoir douze ou treize ans peut-être.

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