Cheryne est restée deux jours à l'hôpital. C'était tendue, tellement tendu que Tahar et Zeïna sont retournés vivre chez eux. Apparemment ils ont des affaires à eux au palais mais en vrai ils vivent à part dans leur maison, si on peut appeler ça une maison. Je la nommerai plutôt de villa énorme. Je n'y suis jamais allée, je reste la plupart du temps avec Marwa et Shaya. Depuis le retour de Cheryne, j'ai l'impression que tout le palais est contre moi. Les repas se font silencieusement ou en arabe. Personne ne me traduit jamais rien, Zeïna avait pour habitude de le faire mais depuis qu'elle est repartie je ne compte plus dans ce palais. Kaina ne cesse de me lancer des piques et des remarques pesantes. Je prends sur moi, je ne dis rien pour Waël mais ça commence vraiment à devenir lourd. Je sais que Cheryne et Salma parlent sur moi. Plusieurs fois je les ai surprise à me regarder puis exploser de rire. Et le pire c'est qu'elles ne s'en cachent même pas. Elles parlent de moi à Waël mais il ne veut jamais me dire ce qu'elles racontent. Au contraire, il s'énerve et coupe court à la conversation. Il ne nous reste plus que deux jours à passer ici et nous sommes censés repartir. J'avoue que j'ai hâte, je n'en peux juste plus. Je savais que mentalement ce serait dur mais je n'aurai jamais pensé que ça serait à un tel point.
Ce soir il y a une réception chez un associé et toute la famille y est conviée y compris moi. D'après Waël ce sera un "truc de ouf", une occasion en or. Toute la journée je suis restée avec Marwa, Shaya était avec la nourrice. Nous étions dans sa chambre, je fixais le lustre et elle la fenêtre.
- Tu te plais ici ?
- Marwa : Ici où ?
- Au Qatar.
- Marwa : Bah... ouais.
- La France te manque pas des fois ? Le quartier, tes anciennes potes, nous ?
- Marwa : Si mais il faut apprendre à tourner la page des fois.
- La tourner et la déchirer c'est pas la même chose. Tu nous as rayé de ta vie.
- Marwa : J'ai jamais fait ça. Je pense à vous des fois. Souvent même.
- Et dans toutes tes pensées tu penses à Saphir ?
- Marwa : Oui ! Me fais pas la leçon Lyna, je sais très bien que dans ma vie j'ai pas toujours fait les bons choix mais je sais ce qui est bon pour moi et ma fille et ce qui ne l'est pas.
- Dans ce cas tu devrais savoir que Shaya a besoin de nous, et que nous aussi on a besoin d'elle. J'ai déjà perdu mon frère Marwa alors s'il te plaît m'enlève pas ma nièce.
- Marwa : Je vous l'ai jamais enlevé ! Elle est autant de ma famille que de la vôtre.
- Et pourtant on la voit jamais.
- Marwa : Qu'est-ce que tu veux que je fasse ? Que je revienne vivre en France ? Pour souffrir comme avant ? Repartir dans notre ancien appart', devoir revoir toutes ses rues, tous ses restaurants où on a été ou passer devant la mairie où on s'est marié ?
- N..non. Juste quelques fois ça serait bien qu'on la revoit. Même si tu souffres dis-toi qu'on souffre tous.
- Marwa : Je ferai de mon mieux mais je te promets rien. Même si c'est vrai que mes parents me manquent.
Je lui souris et elle tourne sa tête.
- Marwa : A la mort d'Adem Allah Y Rahmo j'ai voulu me suicider astarfoullah. Je sais pas ce qui m'a pris, j'ai pensé que c'était la fin. J'ai failli mettre fin à ma vie Lyna est-ce que tu te rends compte ? On a tous souffert, je sais que t'en as souffert autant que moi mais essaye de me comprendre. Je peux pas reposer les pieds là-bas en sachant que j'aurai plus jamais droit à mon ancienne vie. Ici j'ai pas de souvenirs avec Adem, ici je peux me reconstruire. Après je sais que c'est pas ce qui est de mieux pour Shaya mais bon...
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Lyna : Ma naïveté a fait de moi celle que je suis aujourd'hui
General FictionL'ignorance est parfois la clé à tout, parce qu'une fois que tu sais, une fois que tu es confrontée à la réalité, tu ne peux plus y échapper. J'aurai aimé pouvoir m'y échapper mais je n'ai pas pû. Je suis bloquée dans ce monde, ce monde immonde. Ma...