Comme d'habitude quand je suis rentré, il n'y avait personne à la maison. Toutes les lumières étaient éteintes et un mot avait été laissé sur le frigo : « Tristan, papa est au travail, ne l'attends pas. Quant à moi, je pars en voyage d'affaires quelque temps ».
Ce qui signifie que je vais être seul pour un petit bout de temps. Chouette.
Je baisse les yeux vers le bas du mot : « PS : N'oublie pas de veiller sur Lili, tu sais à quelle date on approche »
Je sais. Oui. Inutile de me le rappeler.
On approchait de la date anniversaire de la mort des parents de Lili et étrangement, plus cette période de l'année approchait, plus Lili souriait. J'ai toujours suspecté qu'elle se protégeait derrière ce sourire qu'elle agrandissait de jour en jour. Elle n'aimait pas qu'on la questionne sur son passé, je le savais bien. Plusieurs fois, j'ai entendu dire des choses sur elle. Je n'ai pas toujours aimé ce que j'ai entendu sur elle, mais elle disait tout le temps « Ne t'en mêle pas ». D'ailleurs, sa vie privée était bien le seul domaine dans lequel je n'avais pas le droit d'intervenir. Normal me diriez-vous, mais quand il était question de chasser des monstres sous le lit, j'étais le premier appelé. Toujours.
Je jette mon sac de cours dans un coin de ma chambre, file à la douche et me jette face contre l'oreiller, sur mon lit, immédiatement après. La maison paraît bien silencieusement. Je n'entendrais probablement pas mon père rentrer ce soir et je ne le verrais certainement pas partir demain matin. On se croisait.
On se croisait et puis à chaque fois, j'avais le droit à cette réprimande habituelle « Tu devrais t'occuper de Lili au lieu de t'occuper des affaires qui ne concerne que la Police ». Mais Lili n'est plus une petite fille et moi, j'ai déjà réussi à l'aider plusieurs fois, sur plusieurs affaires.
Je pense que l'on est arrivé à un âge où la présence de l'un n'est plus fondamentale pour l'autre. Ça me fait mal de le dire, mais je crois que Lili n'a jamais ressenti ça pour moi. Je le savais, mais au fond, je m'accrochais à je ne sais quelle lueur d'espoir stupide.
L'espoir c'est tout ce qu'il vous reste quand on vous enlève tout.
Et puis, la sonnette de l'entrée résonne dans le hall.
J'ouvre la porte et j'aperçois des mèches rouquines, rebelles.
C'était Lili.
Il était pratiquement 22 heures et Lili était chez moi. Sur le seuil de ma porte. Un oreiller sous le bras.
« - Je peux dormir ici ce soir ?
- Bien sûr vient. »
Elle enlève ses chaussures à l'entrée et entre, allant directement en direction de ma chambre.
Je la suis sans rien dire. J'ai l'habitude. L'habitude qu'elle débarque comme ça, totalement à l'improviste. Ça faisait juste longtemps qu'elle ne l'avait pas fait.
« - Qu'est-ce qui t'arrive ? »
Parce que si Lili vient me voir, c'est qu'il se passe forcément quelque chose. Quelque chose dont elle veut parler, dont elle veut me faire part, mais dont elle ne sait pas comment s'y prendre.
« - Dis-moi Tristan, ça fait combien de temps que l'on se connaît toi et moi ? Longtemps non ? On a toujours été proche toi et moi. Super proches. Avec toi, je me suis toujours sentie protégée, chérie. Mais...Est-ce que ça t'est déjà arrivé d'aimer une personne ? Je veux dire, vraiment fort ? »
Suis-je obligé de répondre à cette question ?
« - Hmmm...Je n'en sais rien. »
Si je le sais, je n'ai juste pas envie d'en parler. Hors de question que j'en parle. Pas avec elle en tout cas.
« - Bah tu sais, à la fac, il y a ce garçon...Oliver...Il est gentil et...J'ne sais pas. Il a toujours un regard différent sur moi. »
Oliver ? C'est qui celui-là ?
Ah...Maintenant que j'y pense, sûrement le grand brun aux yeux clairs qui lui fait toujours les beaux yeux avec son sourire de Prince charmant. Encore un.
« - Et...Je ne sais pas trop, tu crois que comme tu es toi-même un garçon, tu pourrais m'aider à comprendre ce qu'Oliver ressent pour moi ? »
Non.
« - Oui, pas de soucis. On est amis après tout ? »
Ami oui, mais là, ça dépasse l'entendement et la raison. Pourquoi aiderais-je la fille que j'aime à se jeter dans les bras d'un autre gars qui paraît avoir un cerveau de la taille d'un pois chiche ? Pourquoi participerais-je à ça ?
Quelle sorte de torture est-ce là ?
« - Je te remercie. Tu es vraiment le meilleur Tristan ! T'es un peu mon Prince charmant qui vient toujours me sauver ! Ahahaha ! »
Malheureusement, je ne suis pas de ce genre-là moi. Je ne suis ni Prince, ni dragon. Je suis l'épée, je suis le bouclier. Je suis l'arme de laquelle on se sert pour frapper. Je suis le bouclier qui protège des chocs. Des coups. Parce que Lili est une princesse guerrière.
« - Oh ! J'ai un truc pour toi ! »
Elle farfouille dans la poche de son pyjama et en ressort une étoile. Vous savez, l'une de ces étoiles que l'on colle au plafond et qui devient fluo dans le noir ?
Ça me fait rire qu'elle se souvienne encore de ça.
« - Où est-ce que tu l'as trouvé ?
- Je l'ai acheté pendant qu'on faisait les courses.
- Sous mon nez ? Impossible. Je ne t'ai pas quitter tes yeux une seconde.
- Oh ? »
Et là, je me rends compte du sens de ma phrase.
« - Non ! Enfin, je veux dire...J'ai toujours été près de toi donc je sais ce que tu as acheté.
- Mais là, j'ai été plus maline que toi il faut croire ! Aller vient on l'accroche ! »
Le plafond de ma chambre est resté inchangé en dix ans. Il y a des étoiles de partout. Plus les années passent et plus on en rajoute. Lili et moi avions pour passion commune de regarder les étoiles, le soir, avant de s'endormir, mais on ne pouvait pas toujours se permettre de les regarder dehors ou bien même ensemble, alors on a installé, respectivement, des centaines d'étoiles fluo dans la chambre de l'autre.
Et on en rajoute dès qu'on en trouve de nouvelles.
C'est un peu notre « truc » à nous. Les étoiles fluo.
On l'accroche, on s'installe dans mon lit, l'un à côté de l'autre et même si elle semble s'intéresser à un autre que moi, cette pensée s'envole quand je vois le reflet du plafond dans les yeux de Lili. Ça brille. C'est beau.
Lili est belle. Je la trouve belle moi. C'est fou.
Ce soir plus qu'un autre soir.
Parce que ce soir, Lili a des étoiles pleins les yeux.
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3173 : Attrape-moi si tu peux
ActionTristan n'a que deux passions dans la vie : Attraper des méchants et « 3173 ». Si Tristan aime jouer les apprentis détectives la nuit, « 3173 » n'en reste pas moins la seule tâche à son palmarès déjà bien impressionnant. Voleuse de réputation, elle...