Chapitre 12 - Conflit

482 98 2
                                    

Je n'imaginais pas un seul instant que je passerais la nuit avec Lili. Que je dormirais avec elle et je ne comprends pas pourquoi ça me surprend encore. Je devrais avoir l'habitude qu'elle me fasse ça. Je devrais connaître toutes les manies de cette fille et pourtant, à chaque fois, je tombe dans son piège. À chaque fois, ça me surprend. Elle me surprend. Tout le temps. Constamment.

Et cette nuit n'a pas échappé à la règle.

J'ai dormi avec elle. Comme quand nous étions petits. Cela ne devrait plus rien me faire et pourtant, savoir que j'étais avec elle, à côté d'elle, j'ai eu l'impression que ça a eu un effet calmant sur mon sommeil bien agité depuis quelque temps.

J'avais tellement de choses en tête, tellement d'images qui revenaient me hanter que je crois avoir perdu la définition de « véritable sommeil » à la longue.

Mais jamais près d'elle.

Alors quand j'ai ouvert un œil j'ai été surpris. Surpris de ne pas la voir à côté de moi. J'avais tout le lit pour moi tout seul tendant le bras à la recherche de son épaule ou autre, mais rien.

Lili n'était plus là.

Je me suis redressé dans un sursaut, me précipitant hors du lit, manquant de me prendre les pieds dans le drap.

« - Lili ?! »

Il n'y avait pas un bruit. Seulement les vagues s'échouant sur le sable et les premières mouettes du matin. En arrivant dans le salon, je vis la baie vitrée ouverte, le rideau passant à travers cette dernière.

Et dehors, assise, recroquevillée sur elle-même dans un fauteuil, il y avait Lili. Ses mèches rousses brillaient d'un éclat léger comme de l'ambre.

« - Qu'est-ce que tu fais là ? »

Elle sursaute et range immédiatement son téléphone dans la poche avant de son pull, s'essuyant le bord des yeux alors bien rouges.

« - Qu'est-ce qu'il y a ? Qu'est-ce qui se passe ? »

Et à peine m'étais assis à ses côtés, qu'elle se redressa aussi sec.

« - Rien, rien. Tout va bien.

- Comment ça, « tout va bien », tu pleures ! Dis-moi ce qu'il y a ?

- Rien, je te dis ! Laisse tomber Tristan.

- Mais...

- Tristan ! »

Ça me surprend. C'est la première fois qu'elle hausse la voix contre moi. Je nous pensais enfin seuls. Je pensais que l'on passerait un bon moment et pourtant, Lili est là, au petit matin, pleurant seule dans son coin. Je reconnais un mal qui la ronge, mais elle ne veut pas me le dire...L'image de la frêle et petite Lili venant toujours me voir à chaque bobo me manque l'espace d'un instant.

« - Comme tu voudras. »

Je me sens vexé au plus profond de moi-même, mais je respecte son choix.

« - Je vais préparer le petit-déjeuner. »

Je me relève et à peine lui avais-je tourné le dos que ses mains s'enroulent autour de mon torse, plaquant ainsi sa tête contre mon dos.

« - Je suis désolée... »

Il y avait toute la tristesse de ce monde et je ne pouvais rien faire.

Avec elle, j'étais impuissant continuellement impuissant et ça me bouffait. Ca me bouffe de ne pas pouvoir aider. D'être là, tel un simple spectateur et de ne rien pouvoir faire quand j'ai conscience que je peux certainement résoudre le problème.

Parce que j'ai toujours résolu ses problèmes. Je soignais ses bobos et je pensais ses plaies. J'étais là pour essuyer la moindre de ses larmes même durant les films romantiques. J'étais là quand elle est tombée maintes et maintes fois. Je l'ai alors relevée.

Mais aujourd'hui, exceptionnellement et pour je ne sais quelles raisons, Lili me tient à l'écart.

Pourquoi ?

Je pose mes mains sur les siennes et soupire. Un long soupire qui voulait certainement en dire long. J'étais vexé voir énervé qu'elle me mette ainsi de côté.

Je pensais que ces vacances nous permettraient de nous rapprocher. C'est le vœu que l'on avait formulé en partant.

« - Qu'est-ce que tu veux de moi Lili ? »

Merde. Pourquoi est-ce que je lui pose cette question ? Pourquoi est-ce qu'il faut que les choses soient toujours hors de contrôle quand Lili est dans les parages ?

« - Je te demande pardon ? »

Elle s'écarte et je me dis qu'il est trop tard pour faire marche arrière. Maintenant que j'y suis, autant le dire.

« - Qu'est-ce que tu veux de moi ? Je veux dire, on est amis non ? Alors pourquoi tu te comportes comme si on était plus ? Pourquoi est-ce que tu me fais ça, à moi ? Qu'est-ce que je t'ai fait pour que tu sois toujours comme ça ?!

- Tristan...Je...

- Dis-le-moi. Dis-moi ce que tu attends de moi. »

Et je m'en contenterais. Je veux que tu mettes des limites. Je veux savoir où évoluer et comment le faire. Je n'en peux plus de ça. Je suis devenu trop gourmand pour me contenter de ça.

« - On est des amis d'enfance non ? Je veux dire, on s'entend bien toi et moi...Qu'est-ce qui te prend tout à coup ?

- Je veux comprendre pourquoi je suis relégué au second rang. À cause d'Oliver c'est ça ?

- Oliver ? Quoi ?! Oh, mais tu m'énerves avec tes crises d'adolescentes ! T'as tes règles en ce moment ou quoi ? Non parce que je ne te suis pas.

- Et moi je ne te suis plus. J'ai toujours été là pour toi et là, tu me jettes. Pourquoi ?

- Parce que !

- Parce que quoi ?

- PARCE QUE ÇA NE TE CONCERNE PAS POINT BARRE ! »

Parce que ça ne me concerne pas hein ? Alors, c'est comme ça ?

« - Je pense que l'on devrait rentrer.

- Je pense aussi... »

Dis-moi Lili ? Quand avons-nous commencé à creuser le gouffre qui nous sépare ? Quand avons-nous été les architectes de notre propre tombeau ?

Je ne veux pas. Je ne veux pas que ça se termine comme ça entre toi et moi.

Mais...Je ne m'excuserais pas non plus.

« - Je vais préparer mon sac. »

Ah. Je suis un sombre crétin.

Un crétin égoïste et aveugle.

Lili pleure. Encore.

Mais cette fois, c'est à cause de moi. Je le sais. Si je l'avais fermée comme d'habitude, si je m'étais contenté de ce qu'elle me donnait, de ce qu'elle m'offrait alors peut-être que j'aurais pu avoir les vacances dont j'avais tant rêvé.

3173  : Attrape-moi si tu peuxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant